Afrique centrale : le défi monumental de l’électrification

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Malgré des ressources abondantes, l’Afrique centrale affiche les taux d’électrification les plus bas du continent. Tandis que certains pays progressent, d’autres restent freinés par des défis structurels majeurs. Peut-elle surmonter ces obstacles pour répondre aux besoins énergétiques croissants ?

Cameroun : le dynamisme face à des défis structurels

Une exonération fiscale pour accélérer l’électrification rurale

Le Cameroun se positionne comme un acteur proactif dans l’électrification de l’Afrique centrale. En mars 2024, le gouvernement a instauré une exonération fiscale sur les équipements solaires et hydroélectriques, une mesure valable pour une durée de 24 mois. Ce dispositif vise à réduire le déficit énergétique en milieu rural, où seulement 26,7 % de la population a accès à l’électricité. Cette politique s’inscrit dans une stratégie nationale de diversification des sources d’énergie pour pallier les insuffisances du réseau centralisé.

Cette initiative est encouragée par les besoins croissants en énergie des industries locales et des populations rurales, souvent laissées pour compte. Cependant, la mise en œuvre de cette politique demeure un défi : les équipements solaires, bien que plus abordables grâce à ces exonérations, restent peu accessibles pour les populations les plus précaires. Le financement de ces initiatives et l’amélioration des infrastructures rurales constituent des obstacles majeurs à surmonter.

Les limites d’un leader régional

Avec un taux d’électrification de 70 % en 2021, le Cameroun est l’un des pays les plus avancés en matière d’accès à l’électricité en Afrique centrale. Cependant, cette performance masque d’importantes disparités. En milieu urbain, la couverture est proche de la saturation, tandis qu’en milieu rural, des millions de foyers restent non connectés au réseau.

En comparaison avec ses voisins, le Cameroun se distingue positivement. Mais le pays est loin de répondre aux normes internationales en matière de développement énergétique. Le manque d’investissement dans des infrastructures durables et le défi de l’intégration régionale pourraient freiner son ambition de devenir un modèle en Afrique centrale.

Tchad et RCA : le poids de la pauvreté énergétique

Tchad : des annonces ambitieuses mais peu de résultats

Le Tchad fait face à une crise énergétique profonde avec un taux d’électrification de seulement 11 %. Cette situation résulte de plusieurs facteurs, notamment une faible capacité de production électrique (125 MW en 2020), une dépendance quasi exclusive aux combustibles fossiles et des infrastructures vieillissantes. Bien que le pays bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel, le potentiel solaire reste largement inexploité.

Des projets, comme le parc solaire de Djermaya, ont été annoncés il y a plusieurs années avec des financements significatifs, mais les retards d’exécution limitent leur impact. Dans un contexte où l’électrification urbaine peine à décoller, l’accès à l’électricité reste quasi inexistant dans les zones rurales. À l’approche de l’élection présidentielle de 2024, le gouvernement a annoncé des mesures telles que la gratuité de l’électricité pour les foyers les plus démunis. Si ces initiatives peuvent séduire électoralement, elles ne s’attaquent pas aux causes structurelles de la crise énergétique.

RCA : des efforts récents mais insuffisants

En République centrafricaine (RCA), les défis énergétiques sont similaires, bien que des avancées notables aient été réalisées. En 2023, deux centrales solaires ont été inaugurées, apportant une capacité combinée de 40 MWc. Ces infrastructures font partie d’un effort plus large financé par la Banque mondiale pour améliorer le réseau de distribution et réduire les pertes énergétiques.

Cependant, les besoins restent immenses : moins de 16 % de la population a accès à l’électricité, et en milieu rural, ce chiffre chute à 2 %. Le gouvernement a lancé le Projet d’urgence pour l’accès à l’électricité (Puracell), qui inclut l’extension des réseaux et la modernisation des infrastructures. Néanmoins, ces initiatives, bien que louables, n’auront un impact significatif qu’à moyen et long terme. Pour de nombreux Centrafricains, le quotidien reste marqué par une absence totale d’accès à l’énergie.

RDC : un potentiel immense, des résultats limités

Le paradoxe d’une richesse hydroélectrique inexploitable

La République démocratique du Congo (RDC) illustre un paradoxe frappant : malgré un potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 MW, l’un des plus élevés au monde, seulement 10 % de sa population a accès à l’électricité. Les zones rurales, qui abritent une majorité de la population, sont particulièrement affectées avec un taux d’électrification inférieur à 1 %.

Des projets ambitieux comme Inga III, censé générer 11 050 MW, stagnent depuis des années en raison de blocages politiques et administratifs. Les infrastructures existantes, sous-dimensionnées et obsolètes, ne permettent pas de répondre aux besoins croissants des ménages et des industries. Par ailleurs, l’instabilité politique et les conflits armés dans certaines régions ralentissent l’arrivée de nouveaux investisseurs et limitent le déploiement des projets.

Des solutions alternatives en développement

Face à l’échec des grandes infrastructures, certaines entreprises privées misent sur des solutions innovantes. L’entreprise Nuru a développé des réseaux métropolitains (metro-grids) alimentés par l’énergie solaire hybride. Ce modèle, déjà opérationnel dans la ville de Goma, pourrait permettre d’électrifier 10 millions de personnes d’ici 2030.

Cependant, ces avancées locales se heurtent à des obstacles majeurs. La situation sécuritaire dans l’Est de la RDC complique la mise en œuvre de ces projets, tandis que les besoins financiers pour développer ces solutions à grande échelle restent colossaux. Malgré ces défis, des initiatives comme celles de Nuru montrent qu’il est possible de contourner les blocages traditionnels et d’apporter de l’électricité aux populations oubliées.

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