Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, a récemment bénéficié d’une autorisation de survol de l’espace aérien français lors de son déplacement vers les États-Unis. Cette décision, qui aurait pu sembler anodine aux yeux du grand public, constitue en réalité une entorse grave au droit international. En tant que signataire du Statut de Rome, la France avait l’obligation légale de coopérer avec la CPI, ce qui inclut l’arrestation des individus visés par un mandat d’arrêt international.
Derrière ce survol, c’est un pan fondamental de la justice internationale qui vacille. En refusant d’agir, la France envoie un signal préoccupant sur son engagement à respecter les règles qu’elle a elle-même ratifiées. Cet épisode soulève des questions essentielles : pourquoi Netanyahou a-t-il pu voyager sans entrave ? La France pouvait-elle vraiment l’arrêter ? Et quelles seront les conséquences de ce laxisme pour l’avenir de la Cour pénale internationale ?
Un mandat d’arrêt qui place Netanyahou sous la menace judiciaire
Le 20 mai 2024, la Cour pénale internationale a annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt international à l’encontre de Benyamin Netanyahou pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en lien avec la guerre menée par Israël contre Gaza. Ce mandat marque une étape historique, car il vise un chef de gouvernement en exercice, rappelant le précédent du président soudanais Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide.
L’article 86 du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, impose aux États parties une coopération pleine et entière dans l’arrestation et la remise des suspects sous mandat d’arrêt. Cette obligation s’applique à toute situation où la personne recherchée entre dans la juridiction d’un État signataire, ce qui inclut non seulement son territoire terrestre, mais aussi son espace aérien.
En autorisant le survol de Netanyahou sans exiger son arrestation, la France a ainsi ignoré un principe fondamental du droit international pénal.
Pourquoi le survol de la France pose problème ?
Les obligations des États envers la CPI ne s’arrêtent pas aux frontières terrestres. La souveraineté d’un État s’étend à son espace aérien, qui est régi par des conventions internationales, notamment la Convention de Chicago de 1944 sur l’aviation civile internationale. En théorie, un avion transportant un individu recherché par la CPI entrant dans cet espace aérien pourrait être contraint d’atterrir, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle arrestation.
Ce principe a été appliqué dans des affaires similaires. En 2013, l’avion du président bolivien Evo Morales avait été contraint d’atterrir en Autriche sur suspicion de transporter Edward Snowden. Ce précédent démontre que lorsqu’il y a une volonté politique, un État peut intervenir dans son espace aérien pour des motifs judiciaires ou diplomatiques.
Dès lors, pourquoi la France n’a-t-elle pas appliqué cette règle à Netanyahou ? En autorisant son survol sans condition, Paris s’est non seulement soustrait à ses engagements internationaux, mais a également offert à Netanyahou un couloir sécurisé pour se rendre aux États-Unis sans craindre d’être inquiété.
Un précédent diplomatique dangereux
L’autorisation donnée au Premier ministre israélien crée un précédent préoccupant pour la justice internationale. Elle rappelle les polémiques entourant le cas d’Omar el-Béchir, ancien président du Soudan, sous mandat d’arrêt de la CPI depuis 2009. Plusieurs pays, bien qu’étant signataires du Statut de Rome, avaient choisi de l’accueillir sans procéder à son arrestation, invoquant des motifs politiques ou diplomatiques.
Cette attitude avait affaibli la crédibilité de la CPI, accusée d’être incapable de faire appliquer ses décisions face aux chefs d’État puissants. La situation de Netanyahou est encore plus symbolique, car elle implique un dirigeant en fonction bénéficiant du soutien de puissances occidentales.
En fermant les yeux sur l’affaire, la France se range du côté des pays qui privilégient la diplomatie aux principes juridiques, renforçant ainsi l’impunité des dirigeants accusés de crimes internationaux.
Un choix politique avant tout
Si la France avait refusé le survol à Netanyahou ou tenté de l’arrêter, elle aurait probablement déclenché une crise diplomatique majeure avec Israël et les États-Unis. Washington, qui ne reconnaît pas la compétence de la CPI et s’oppose au mandat contre Netanyahou, aurait immédiatement réagi.
La France a donc fait un choix politique en privilégiant la realpolitik sur le respect du droit. Mais ce calcul pourrait avoir des conséquences à long terme. En affaiblissant la CPI, Paris contribue à fragiliser une institution déjà contestée, notamment par des pays qui critiquent son application jugée sélective du droit pénal international.
Les répercussions pour la justice internationale
L’épisode du survol de Netanyahou par l’espace aérien français s’inscrit dans un contexte plus large de remise en cause de la justice internationale. L’efficacité de la CPI dépend en grande partie de la coopération des États signataires, sans quoi ses mandats d’arrêt restent lettre morte.
L’inaction de la France donne un signal clair : certains dirigeants bénéficient d’une immunité de fait, alors même qu’ils sont poursuivis pour des crimes graves. Cette situation pourrait encourager d’autres États à ignorer leurs obligations envers la CPI, notamment lorsqu’il s’agit de dirigeants puissants bénéficiant de soutiens diplomatiques importants.
Ce laxisme risque également de renforcer la perception d’une justice internationale à double vitesse, où seuls les dirigeants de pays politiquement faibles sont poursuivis, tandis que ceux des États influents échappent aux poursuites. Cette critique, souvent formulée par des pays africains ou asiatiques, trouve ici un exemple frappant.
Une occasion manquée pour la France
En accordant cette autorisation de survol, la France a manqué une opportunité de démontrer son engagement en faveur du droit international et de la justice universelle. Une interdiction de survol, même symbolique, aurait envoyé un message fort sur l’application des principes de la CPI.
Au contraire, ce silence place Paris dans une position délicate : d’un côté, elle se revendique comme défenseur du droit international, et de l’autre, elle laisse un dirigeant poursuivi pour crimes de guerre utiliser son espace aérien sans entrave.
La France aurait-elle agi de la même manière si un autre dirigeant, moins soutenu politiquement, avait été concerné ? Cette question restera sans réponse, mais l’épisode Netanyahou restera comme une tache sur la crédibilité de la justice internationale, et un exemple de plus d’une institution pénale internationale affaiblie par le jeu des intérêts géopolitiques.
Un choix lourd de conséquences
En autorisant le survol de son espace aérien par un dirigeant sous mandat d’arrêt international, la France a violé ses obligations envers la Cour pénale internationale et envoyé un message contradictoire sur son attachement à la justice internationale.
Ce choix ne restera pas sans conséquences. Il affaiblit la CPI, renforce l’idée que certains dirigeants sont intouchables, et pourrait encourager d’autres États à suivre le même chemin. À terme, ce type de décision risque de vider de sa substance l’un des derniers outils de justice internationale capables de juger les crimes les plus graves.
Si la justice internationale veut conserver son autorité, elle doit pouvoir s’imposer sans distinction politique ni diplomatique. En l’espèce, la France a démontré que lorsqu’il s’agit d’un allié puissant, les principes de droit peuvent être mis entre parenthèses. Une réalité qui, malheureusement, fragilise encore un peu plus l’idée d’une justice universelle et impartiale.
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