Dimanche dernier, tout comme les citoyens Sénégalais et Nigériens, ceux du Bénin et du Congo accomplissaient aussi leurs devoirs civiques. Si par ces élections le Bénin confirme sa maturité démocratique, le Congo s’illustre comme une véritable catastrophique sur le plan de démocratie. Après deux mandats, Yayi Boni cède le pouvoir et tandis que Denis Sassou Nguesso, après avoir cumulé trente deux ans de règne, vient d’effectuer un passage en force. Ainsi va la démocratie en Afrique.
En matière de démocratie, l’Afrique offre deux visages. Celle des bons élèves et celle des mauvais. Le dimanche électoral que vient de connaitre le continent en est l’illustration parfaite. En effet, les Béninois, les Sénégalais, les Nigériens et les Congolais étaient aux urnes ce 20 mars 2016. Au Bénin et au Niger, il s’agissait de départager les candidats au second tour de la présidentielle. Au Sénégal, le corps électoral était convié à un référendum à la faveur duquel il devra voter « Oui » ou « Non » à des réformes proposées par le régime de Macky Sall. Au Congo Brazzaville, c’est le premier tour de la présidentielle. Certes, ces élections n’ont pas les mêmes enjeux mais leurs issus ont permis de jauger de l’état de l’avancement de la démocratie en Afrique. Ceux du Bénin et du Congo, illustrent les deux facettes de la démocratie sur le continent.
Bénin, un model
En matière de démocratie, le Bénin peut être considéré, à juste raison et toutes proportions gardées, comme une démocratie qui marche en Afrique, un bon élève sur le continent. En témoignent les élections transparentes et apaisées, les alternances sans heurts majeurs que le pays a connus depuis une décennie. En effet, depuis 1991, le pays a déjà connu quatre élections présidentielles et trois alternances au pouvoir sans hiatus, en l’occurrence en 1991, 1996 et 2006. Et contrairement à bien d’autres pays africains où élections riment avec violences et fraudes, manipulations de textes, les consultations électorales au Bénin se passent dans le calme, la quiétude et la transparence.
Le dernier scrutin présidentiel a permis de constater, pour une fois encore, cette réalité, cet ancrage de la démocratie béninoise qui fait déjà école dans de nombreux pays africains. En toute sérénité et dans le calme, les électeurs béninois se sont mobilisés pour départager, par voie d’urne, les deux candidats arrivés en tête du premier tour. Celui de la continuité, Lionel Zinsou et celui de la rupture, Patrice Talon. Dans ce duel inédit pour l’accession au Palais de la Marina, c’est l’homme d’affaires Patrice Talon qui s’en est sorti vainqueur. Cette victoire, c’est son adversaire qui fut le premier à la reconnaitre. Dans un élan démocratique, le perdant s’est incliné sans contestations majeures et sans chercher à faire descendre ses militants dans la rue pour contester.
Sassou et la mascarade électorale
Le président Denis Sassou Nguesso tient à son pouvoir. Et il s’y accroche au prix de la modification constitutionnelle et des fraudes électorales. Le dernier scrutin organisé au Congo Brazzaville a permis au président sortant d’étaler à la face de tout le monde entier sa machine de fraude électorale.
Il y a peu, Denis Sassou Nguesso était inéligible aux yeux de la Constitution de son pays. En vieux briscard des fraudes électorales, il a réussi à sauter le verrou de la limitation des mandats à la faveur d’un référendum organisé le 27 Octobre 2015 qui a légitimé son désir de rester au pouvoir avec un score soviétique de 92 %. Pour la présidentielle anticipée, le président Sassou a promis la gagner sans coup férir face à ses opposants et ce, dès le premier tour. Aujourd’hui c’est chose faite. Mais à quel prix ?
Sassou et son camp ont tout simplement « fabriqué ». Alors que les résultats de l’opposition, qui avait pris ses dispositions tôt, dans le but de contrer toute tentative de fraude, le donnait perdant avec 11% des suffrages exprimés, la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) vient de déclarer cet ancien officier vainqueur au premier tour lors de la présidentielle avec 60,39% des voix. Et comme l’on pouvait s’y attendre, l’opposition a rejeté ces résultats. Pour mieux légitimer ce coup de force, toute communication avec Brazzaville est coupée depuis quelques heures. La preuve que le régime de Sassou se reproche quelques choses. Le « coup d’Etat électoral » annoncé à travers le slogan «Un penalty, c’est gagné» vient d’être effectif au Congo.
Avec Denis Sassou Nguesso le Congo vient de montrer encore une fois qu’il est un de ces pays qui portent le bonnet d’âne en matière de démocratie en Afrique. Avec ce dernier au pouvoir, il y a plus de chances de voir ce pays figurer parmi les cancres de la démocratie sur le continent. Les leçons du Bénin, au Sénégal, du Burkina Faso sont loin d’être assimilées
Prosper A.