Au Burkina Faso, plongé dans une crise sécuritaire majeure, les Récréatrales, festival de théâtre international, offrent à plus de 4 500 spectateurs une échappatoire précieuse. Un acte de résistance culturelle et de résilience, permettant à la population de se tourner, même brièvement, vers l’espoir.
Un souffle d’espoir face à l’adversité
Depuis trois ans, le Burkina Faso, plongé dans un contexte de crise sécuritaire intense, vit au rythme des violences liées aux groupes extrémistes. Plus de 60 % du pays échappent désormais au contrôle de l’État, des millions de personnes ont perdu leurs foyers, et l’aide humanitaire est vitale pour la survie de la population. Cependant, au cœur de cette crise, un événement culturel majeur, les Récréatrales, continue de briller comme un phare d’espoir. En octobre dernier, ce festival international de théâtre a attiré plus de 4 500 spectateurs à Ouagadougou, offrant à ces derniers une évasion momentanée des réalités du quotidien.
Le quartier de Bougsemtenga, dans la capitale Ouagadougou, a été métamorphosé pour accueillir les Récréatrales. Les rues se sont transformées en un univers onirique où se sont produits plus de 150 artistes, apportant aux habitants un moment de liberté dans un espace empreint de tensions. Pour beaucoup, comme Fanta Charlotte Dabone, mère de trois enfants et victime des attaques dans son village, ce festival a été l’occasion de se libérer du poids de la souffrance et des souvenirs douloureux. « Quand je suis sur scène, je suis très heureuse. C’est quand je dois rentrer chez moi que les mauvais souvenirs reviennent », confie-t-elle.
Le directeur artistique des Récréatrales, Aristide Tarnagda, a insisté sur le rôle vital du théâtre dans cette période de crise. Selon lui, l’événement est bien plus qu’un simple divertissement : il représente un acte de résistance. « Le théâtre est une affirmation de la primauté de la vie sur la mort », déclare-t-il. Ce message de résilience a résonné particulièrement avec les spectateurs, qui, pour un temps, ont pu tourner le visage vers le soleil, comme l’indiquait le thème de cette édition.
Une scène culturelle en temps de guerre
Avant la crise, le Burkina Faso était reconnu pour sa riche scène culturelle, avec des festivals de cinéma et de théâtre très prisés. Cependant, avec l’intensification des conflits, le pays a vu la plupart de ses événements culturels suspendus ou déplacés. Malgré ces défis, les Récréatrales ont réussi à maintenir une tradition vivante, un acte courageux dans un contexte de guerre et d’insécurité.
Les Récréatrales, par leur programmation variée et la diversité de leurs artistes, ont permis aux habitants de vivre des instants de réjouissance. Pour les plus de 4 500 spectateurs présents, ces moments de théâtre ont offert une précieuse pause mentale et émotionnelle, permettant de nourrir l’espoir, de raviver des liens communautaires, et d’affirmer une identité culturelle résolument tournée vers la résilience. Ce fut également l’occasion pour les artistes de se reconnecter à leur public, apportant de la lumière dans une période marquée par l’ombre de la violence.
Le théâtre, dans ce contexte difficile, devient plus qu’un simple art : il devient un moyen de résistance face à la violence et une forme de sauvegarde de l’héritage culturel du pays. Ce combat pour la survie culturelle est essentiel non seulement pour la préservation des arts, mais aussi pour la continuité d’un lien social vital entre les populations. La situation difficile à laquelle sont confrontées les familles burkinabées, comme celle de Fanta Charlotte Dabone, met en évidence la nécessité de maintenir de tels événements vivants, qui apportent bien plus qu’un divertissement : un sens de la dignité humaine.
Le rôle des festivals dans la reconstruction sociale
Au-delà de la simple distraction, les festivals comme les Récréatrales jouent un rôle primordial dans la reconstruction sociale et psychologique du pays. Dans un Burkina Faso dévasté par la guerre, le théâtre offre une plate-forme pour évoquer des questions profondes et collectivement partagées, tout en favorisant le dialogue et la solidarité. C’est dans ce cadre que les Récréatrales s’imposent comme un outil fondamental pour la reconstruction d’une société déchirée.
La mise en scène de pièces de théâtre lors des Récréatrales a permis à la population d’aborder des thématiques de souffrance et de résilience, d’exprimer des sentiments partagés, mais aussi de faire face aux traumatismes collectifs. La communauté, bien que brisée, a trouvé dans l’art un moyen de guérison et de solidarité, dans un espace sécurisé et respectueux de l’humanité. Ces instants de culture et d’expression libre ont offert une forme d’exutoire indispensable pour les Burkinabés, qui luttent au quotidien pour reconstruire une vie après l’exode forcé et la perte.
En offrant aux jeunes générations une vision différente de la réalité, en les exposant à la beauté et à la puissance de l’art théâtral, les Récréatrales ont joué un rôle essentiel pour pérenniser l’héritage culturel du Burkina Faso. La participation de nombreux jeunes à ces événements, tant en tant que spectateurs qu’artistes, garantit que la flamme de la culture, de l’espoir et de la résistance continuera de briller pour les générations futures.
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