Le Kenya traverse une période de forte tension sociale, marquée par une vague de protestations à l’échelle nationale, qui s’étend désormais à 17 comtés. La Commission nationale des droits humains (KNCHR) a récemment dressé un bilan révélateur de cette crise. Contrairement aux attentes, la mobilisation ne s’est pas cantonnée à Nairobi, la capitale, bien que celle-ci ait été l’épicentre de la contestation.
Ce lundi matin, le centre-ville de Nairobi était presque déserté. Les forces de l’ordre ont mis en place un dispositif de contrôle strict, bloquant les principaux axes d’accès à la capitale, afin d’empêcher les manifestants de converger vers le centre. Ce verrouillage ciblé témoigne de la volonté des autorités de limiter l’impact visible du mouvement dans la capitale, lieu symbolique des revendications populaires.
Des affrontements violents au Kenya et des slogans contre William Ruto
Malgré le bouclage du centre-ville, la mobilisation s’est maintenue en périphérie de Nairobi. À partir de midi, des affrontements ont éclaté entre jeunes manifestants et forces de l’ordre. Ces jeunes, déterminés, scandaient des slogans forts comme « Ruto doit partir » ou encore « Wantam » — une contraction anglaise de « one term », appelant à un seul mandat présidentiel pour William Ruto, président en exercice.
Ces cris traduisent un profond mécontentement à l’égard de la politique gouvernementale, jugée répressive et déconnectée des réalités sociales. La contestation dépasse ainsi la simple revendication politique et prend une dimension plus large de rejet du pouvoir en place, cristallisant frustrations économiques et sociales.
Saba Saba : une commémoration devenue un acte de contestation au Kenya
La date du 7 juillet, traditionnellement associée à la commémoration de Saba Saba, mouvement historique de lutte contre le régime autoritaire de Daniel arap Moi, prend cette année une signification particulière. Alors que le pays rend hommage à cette résistance, la tonalité est bien différente.
Les manifestations du 7 juillet 2025 s’inscrivent dans un climat de contestation radicalisée contre la gouvernance de William Ruto. Ce qui devait être un moment de mémoire pacifique s’est transformé en un bras de fer entre une jeunesse contestataire et un État prêt à employer la force pour faire taire les voix dissidentes.
La présence inquiétante de bandes criminelles aux côtés des forces de l’ordre
Un élément préoccupant ressort du dernier rapport de la Commission nationale des droits humains. Lors des manifestations, la présence de bandes criminelles armées d’armes rudimentaires — fouets, massues, bâtons — a été constatée. Ces groupes, cagoulés, ont même été vus opérant aux côtés de policiers dans Nairobi.
Cette cohabitation trouble, signalée par la Commission, s’inscrit dans une stratégie ambiguë visant à intimider les manifestants. Ces mêmes individus correspondent à la description des assaillants qui ont, la veille, attaqué le siège de la Commission nationale des droits humains elle-même, une organisation emblématique de la défense des droits au Kenya.
Une accusation récurrente de complicité entre forces de l’ordre et milices
Depuis le début du mouvement de protestation, les manifestants dénoncent l’utilisation par les autorités d’éléments violents — souvent qualifiés de « vandales » — pour discréditer et casser la dynamique populaire. Selon plusieurs ONG, notamment Amnesty International, des policiers auraient ouvert le feu à balles réelles en plein milieu de zones habitées, provoquant des risques graves pour les civils.
La présence de milices armées, parfois déguisées en civils ou opérant en marge des manifestations, accentue la violence et la peur qui pèsent sur la population. Cette stratégie de la peur est dénoncée par les défenseurs des droits humains comme un instrument d’oppression visant à briser toute velléité de contestation politique.
Une crise aux implications profondes pour la démocratie du Kenya
La situation actuelle au Kenya soulève des questions majeures sur l’état des droits humains et de la démocratie dans le pays. La répression des manifestations pacifiques, l’utilisation de la force létale contre les citoyens, et la complicité présumée entre forces de l’ordre et groupes armés non étatiques témoignent d’une crise grave.
La Commission nationale des droits humains, malgré son rôle d’observateur, fait face à des attaques et à des pressions croissantes, mettant en lumière les difficultés des institutions à garantir les libertés fondamentales. Pour de nombreux observateurs, le Kenya est à un tournant décisif, entre un maintien autoritaire du pouvoir et une exigence populaire de justice, de transparence et de respect des droits.
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