Les États-Unis imposent une caution aux voyageurs africains

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Washington exigera jusqu’à 15 000 dollars de caution aux visiteurs du Malawi et de la Zambie. Une mesure dénoncée comme discriminatoire et punitive.

Une caution inédite pour limiter les dépassements de visa

À partir du 20 août 2025, les ressortissants du Malawi et de la Zambie devront verser une caution pouvant atteindre 15 000 dollars pour obtenir un visa touristique ou d’affaires vers les États-Unis. Cette mesure, annoncée le 5 août par le Département d’État, s’inscrit dans un programme pilote d’une durée de douze mois visant à réduire les séjours illégaux sur le territoire américain. Cette somme sera exigée lors de l’entretien consulaire et restituée si le voyageur respecte les délais de son visa ou en cas de refus, d’annulation ou de non-utilisation du document.

La décision repose sur les statistiques du Département de la sécurité intérieure : en 2023, 14,3 % des visiteurs en provenance du Malawi et 11,1 % de ceux venant de Zambie ont dépassé la durée autorisée de leur séjour. Des taux relativement élevés, bien que ces pays représentent un flux très réduit de voyageurs : 1 655 entrées depuis le Malawi et 3 493 depuis la Zambie. Le programme vise officiellement à responsabiliser les demandeurs de visa et à dissuader les intentions de séjour prolongé non autorisé.

Le Département d’État insiste sur le caractère remboursable de cette caution. Toutefois, la somme, équivalente à plusieurs années de revenu moyen dans ces pays, apparaît largement dissuasive pour une grande partie de la population concernée. Ce dispositif risque de décourager non seulement les fraudes, mais aussi les déplacements légitimes, et d’alourdir encore les démarches d’obtention de visa pour les ressortissants africains.

Une politique migratoire dénoncée comme discriminatoire

La mesure a immédiatement suscité une levée de boucliers de la part de plusieurs associations. Le Council on American-Islamic Relations (CAIR) dénonce une politique qualifiée de « racket légalisé », qui cible injustement des pays à faibles revenus. Selon Robert McCaw, directeur des affaires gouvernementales du CAIR, « ce n’est pas une question de sécurité nationale, mais d’instrumentalisation de la politique migratoire à des fins punitives ». Le reproche principal tient à l’incohérence des critères retenus.

En 2023, les dépassements de visa ont été bien plus nombreux chez des ressortissants de pays comme le Brésil (plus de 20 000 cas) ou la Colombie (près de 41 000), sans que ces derniers soient visés par une mesure équivalente. Cette disparité alimente le sentiment d’une discrimination à l’égard des pays africains, où les niveaux de vie rendent cette caution particulièrement contraignante. Le ciblage des pays à faible volume d’entrée, mais à fort pourcentage d’infractions, interroge sur les motivations réelles du dispositif.

Cette politique pourrait renforcer la défiance entre les États-Unis et plusieurs pays d’Afrique australe, déjà méfiants vis-à-vis de l’administration Trump. La mesure apparaît comme une nouvelle étape dans le durcissement des conditions d’entrée sur le territoire américain, dans un contexte international où les mobilités Sud-Nord sont de plus en plus encadrées, voire entravées. Washington prend ainsi le risque de compromettre durablement ses relations diplomatiques avec des partenaires jugés jusque-là stables.

Une politique migratoire guidée par la ligne Trump

Ce nouveau dispositif s’inscrit dans la ligne dure défendue par Donald Trump depuis le début de son second mandat en janvier 2025. Dès les premières heures de son retour au pouvoir, il signait un décret intitulé « Protéger le peuple américain contre l’invasion », qui sert désormais de fondement juridique à plusieurs mesures restrictives. Le programme de caution s’insère dans cette logique d’endiguement de l’immigration perçue comme incontrôlée ou frauduleuse.

Le discours sécuritaire développé autour de ces initiatives répond aussi à une logique électorale interne : galvaniser l’électorat conservateur sur les thèmes de l’ordre, de la frontière et de l’exception américaine. En ciblant des populations peu représentées dans les flux migratoires mais à forte valeur symbolique, la mesure s’aligne avec une rhétorique de « tolérance zéro » en matière d’immigration.

Le Département d’État a déjà laissé entendre que d’autres pays pourraient rejoindre la liste, notamment ceux dont les taux de dépassement sont jugés élevés ou les dispositifs de contrôle des migrations insuffisants. Cette généralisation progressive pourrait transformer une expérimentation en norme, durcissant encore les conditions d’accès au territoire américain pour les pays du Sud global. La diplomatie migratoire américaine prend ainsi un tournant nettement plus restrictif, avec des conséquences durables sur les mobilités internationales.

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