Devant l’Hôtel de Ville, des femmes migrantes crient leur détresse

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Plus de 200 femmes et enfants sans-abri ont manifesté à Paris mardi, réclamant des hébergements d’urgence face à ce qu’ils dénoncent comme un abandon d’État.

Une mobilisation de l’extrême précarité devant la mairie de Paris

Mardi, devant l’Hôtel de Ville de Paris, la détresse a pris la forme d’une manifestation silencieuse mais puissante. Près de 200 migrants, majoritairement des femmes et des enfants – dont de nombreux bébés – ont réclamé un logement d’urgence. Ils n’ont pour seule protection que des couvertures, des poussettes, quelques tentes, et leur colère calme mais tenace. Venus de la République démocratique du Congo, d’Afrique de l’Ouest ou du Moyen-Orient, ils disent fuir la guerre, les viols, la misère et se retrouvent à dormir dans les rues de la capitale.

Parmi les manifestantes, Rose. Originaire de RDC, elle est en France depuis trois ans. Son témoignage glace : « Nous sommes des femmes violées, torturées, blessées. Nous avons fui pour survivre. Et ici, nous sommes abandonnées. » Rose raconte les nuits passées dans les couloirs de métro, dans les églises, sans nourriture, avec des bébés malades. Elle ne demande pas un traitement de faveur, mais un toit, une protection, un minimum de dignité. Son appel, comme celui de tant d’autres, résonne comme une accusation contre une République qu’elle espérait refuge.

En l’absence de réponse immédiate des pouvoirs publics, les familles ont installé un camp improvisé devant la mairie de Paris pour y passer la nuit. Sous les fenêtres de l’institution, les matelas de fortune et les cris d’enfants sont devenus un symbole du fossé qui sépare la vulnérabilité extrême de ces exilés et l’inaction de l’État. Le campement, installé dans un lieu hautement symbolique, veut forcer le politique à sortir de son silence.

L’alerte d’Utopia 56 : un abandon organisé des plus vulnérables

Derrière cette mobilisation, l’association humanitaire Utopia 56 tire la sonnette d’alarme. Son coordinateur, Nathan Lepreux, détaille la situation : « Parmi les 210 personnes que nous accompagnons ici, il y a 90 enfants, dont une trentaine de bébés. » Il insiste : « Si nous devions classer la vulnérabilité, ces femmes enceintes, ces mères seules, ces nourrissons sont les plus exposés. Et pourtant, ce sont eux que l’État refuse de prendre en charge. »

L’association dénonce l’inefficacité criante du système d’urgence. Le numéro 115, censé fournir une aide immédiate, ne répondrait qu’à 12 % des appels à Paris, selon Utopia 56. Et même dans les cas où une réponse est donnée, aucune garantie de solution d’hébergement n’est assurée. En parallèle, le nombre de sans-abri ne cesse de croître : 350 000 personnes en 2024, contre 190 000 en 2017. Une explosion de la précarité que les pouvoirs publics semblent impuissants à endiguer.

L’association pointe aussi du doigt un durcissement général des politiques migratoires en France. À leurs yeux, cette hostilité croissante à l’égard des migrants se traduit par une invisibilisation de leur détresse. Loin d’être un simple enjeu administratif, l’accès au logement devient une question de survie. Utopia 56 appelle à un sursaut politique, une mise en cohérence entre les principes proclamés de la République et la réalité du traitement réservé aux exilés.

La République face à ses contradictions

La scène de femmes réfugiées dormant avec leurs enfants sous les fenêtres de l’Hôtel de Ville soulève une question de fond : que reste-t-il de la promesse républicaine d’asile et de dignité ? Alors que la France se veut terre d’accueil et bastion des droits humains, les images du parvis parisien rappellent une réalité bien moins glorieuse. La mise en scène involontaire d’un État absent face à ceux qui, pourtant, devraient être les premiers protégés.

À l’heure de la manifestation, ni le gouvernement ni la mairie n’ont annoncé de mesure concrète. Le mutisme des pouvoirs publics interroge. Faut-il attendre un drame ? Une exposition médiatique massive ? Ou la mobilisation des grandes ONG internationales pour que cette situation change ? Les associations, elles, dénoncent une inertie coupable et une défaillance qui n’est plus conjoncturelle mais structurelle.

Face à ces femmes abandonnées, l’opinion publique semble, pour l’instant, peu mobilisée. Mais les témoignages comme celui de Rose, les chiffres avancés par les associations, et la visibilité croissante de ces camps de fortune au cœur de la capitale pourraient bien faire naître un mouvement d’indignation plus large. Reste à savoir si celui-ci sera entendu par des autorités engluées dans une logique sécuritaire et comptable, où l’humain peine à se frayer une place.

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