Maroc : polémique autour de la loi sur les animaux errants

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Un projet de loi interdit de nourrir ou soigner les animaux errants, suscitant indignation et accusations de dérive autoritaire.

Une interdiction qui choque l’opinion

Présenté comme une réponse à la gestion des nuisances urbaines, le texte adopté par le gouvernement marocain interdit de nourrir, héberger ou soigner tout animal errant dans l’espace public. Porté sous l’autorité de Mohammed VI, ce projet de loi sera examiné au Parlement après son passage en commission le 22 juillet 2025. Officiellement, il s’agit de lutter contre les risques sanitaires liés à la prolifération d’animaux sans maître. Mais pour nombre de citoyens et d’ONG, cette disposition relève moins de la santé publique que d’un renoncement éthique.

La loi prévoit des amendes allant de 1 500 à 3 000 dirhams pour toute personne prise en flagrant délit de venir en aide à un animal errant. Cette logique répressive vise indifféremment un chien affamé, un chat blessé ou même un oiseau tombé du nid, la définition du terme “animal” restant floue. Ce flou ouvre la voie à des interprétations arbitraires et renforce la crainte d’abus dans son application. Le symbole, lui, est lourd : aider un être vivant en détresse pourrait désormais être considéré comme un délit.

En adoptant cette ligne dure, le pouvoir marocain envoie, selon ses détracteurs, un signal négatif sur le plan éthique et international. Le royaume s’expose à une image déshumanisée, où la solidarité spontanée est perçue comme une entrave à la politique publique. Cette posture interroge, alors même que l’État peine à mettre en place des solutions durables pour réguler la population animale.

Des promesses d’alternatives jugées illusoires

Le gouvernement assure que l’interdiction sera compensée par la création de refuges et par un système de déclaration électronique pour les adoptions. Problème : ces structures n’existent pas encore et leur mise en œuvre nécessiterait des moyens financiers et humains considérables. Dans un pays où les refuges existants sont déjà saturés, il est peu probable que ces promesses suffisent à absorber des centaines de milliers d’animaux errants.

En attendant la mise en place d’infrastructures hypothétiques, les animaux errants risquent de mourir dans la rue, faute de nourriture, de soins ou d’abri. Les ONG rappellent que ces bêtes sont déjà victimes de maladies, de maltraitances et de violences. L’interdiction de gestes élémentaires d’assistance ne fera qu’accélérer leur disparition, dans une indifférence désormais légalisée.

Le Maroc a déjà été critiqué pour ses méthodes brutales de gestion des animaux errants : abattages à la carabine, empoisonnements massifs, mutilations. Cette nouvelle loi franchit une étape supplémentaire en interdisant aux citoyens de protéger ces animaux. Pour les associations de défense animale, on passe d’une politique de contrôle musclée à une criminalisation pure et simple de la bienveillance.

Un test pour l’image et la gouvernance du royaume

Le roi, souvent présenté à l’international comme un monarque réformateur, devra assumer l’image d’un chef d’État promouvant une loi qui sanctionne la compassion. Cette contradiction affaiblit le discours officiel sur la modernité et l’ouverture du royaume. Elle pose aussi la question de la cohérence entre politique intérieure et image extérieure.

La mesure heurte une valeur fondamentale de la société marocaine : l’entraide. En punissant ceux qui tendent la main à un être vivant, le texte rompt avec une tradition profondément ancrée. Pour ses opposants, il s’agit moins d’un acte de modernisation que d’un aveu d’échec dans la gestion publique d’un problème ancien.

Si la loi est adoptée en l’état, elle pourrait accentuer la méfiance de la société civile envers les institutions, notamment les associations et collectifs engagés dans la protection animale. Loin de résoudre la question de la surpopulation animale, elle risque de nourrir un climat de tension et de défiance, tout en fragilisant l’image internationale du Maroc.

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