Au Malawi, un robot conversationnel conseille les agriculteurs pour diversifier leurs cultures et résister aux chocs climatiques dévastateurs.
Une agriculture fragilisée par les catastrophes climatiques
En 2023, le cyclone Freddy a laissé des traces indélébiles dans le sud du Malawi. À Mulanje, de nombreuses exploitations ont été ravagées par les inondations, réduisant à néant le travail de toute une vie. Alex Maere, 59 ans, a vu ses champs emportés et sa récolte de maïs détruite. Là où il engrangeait habituellement 17 sacs de manioc, il n’a pu sauver que quelques kilos, précipitant sa famille dans une insécurité alimentaire extrême.
Avec plus de 80 % de sa population vivant de l’agriculture, le Malawi reste vulnérable à chaque aléa climatique. Les chocs successifs – cyclones, sécheresses liées à El Niño – compromettent non seulement les revenus des agriculteurs, mais aussi la sécurité alimentaire nationale. Dans un pays où la pauvreté est l’une des plus élevées au monde, la fragilité du secteur agricole se traduit directement par une crise sociale et économique.
Face à cette situation, les méthodes agricoles traditionnelles peinent à suffire. Les autorités malawites, conscientes de l’urgence, soutiennent désormais l’expérimentation de solutions numériques. C’est dans ce contexte que l’application « Ulangizi » – qui signifie « conseiller » en chichewa – a vu le jour, offrant une lueur d’espoir aux petits producteurs.
Ulangizi, un chatbot d’intelligence artificielle au service des paysans
Développé par Opportunity International Malawi, le chatbot Ulangizi fournit des recommandations pratiques aux agriculteurs. Pour Alex Maere, les conseils ont changé sa trajectoire : il a ajouté la pomme de terre à ses cultures, couvrant un demi-terrain de football et générant plus de 800 dollars de revenus. Grâce à ce nouvel équilibre entre maïs, manioc et cultures complémentaires, sa famille a retrouvé une stabilité après le désastre.
L’application fonctionne sur WhatsApp, en chichewa comme en anglais. Elle accepte les questions par SMS, messages vocaux ou même images, un atout majeur pour des populations parfois analphabètes. Les réponses rapides et pratiques font d’Ulangizi un outil accessible, même pour les agriculteurs les plus isolés, et renforcent leur confiance dans la capacité de l’innovation à améliorer leur quotidien.
Le gouvernement malawite s’est emparé de cette innovation, convaincu de son potentiel face au changement climatique. En l’intégrant à ses programmes agricoles, il espère renforcer la résilience des communautés rurales. Ce projet est aussi un signal politique, à l’approche d’élections où la sécurité alimentaire sera un enjeu central.
Les défis d’une révolution agricole numérique
Malgré son potentiel, Ulangizi se heurte à des obstacles structurels. L’électricité reste irrégulière, l’Internet rare en zone rurale et peu d’agriculteurs possèdent un smartphone. Dans un pays aux centaines de langues, l’IA doit aussi s’adapter à une diversité linguistique qui complique sa généralisation.
Pour pallier ces difficultés, des agents de soutien accompagnent les agriculteurs, environ 150 à 200 chacun, en visitant régulièrement les villages. Ces relais humains sont essentiels pour expliquer le fonctionnement du chatbot, lever les barrières techniques et démocratiser l’accès à l’innovation. Sans eux, la fracture numérique condamnerait le projet à rester marginal.
La réussite d’Ulangizi dépendra de la capacité à élargir son accès. Les investissements privés dans les technologies agricoles en Afrique subsaharienne sont passés de 10 à 600 millions de dollars en moins de dix ans, signe d’un intérêt croissant. Mais encore faut-il que ces financements bénéficient directement aux petits producteurs. Le Malawi, où l’agriculture nourrit 21 millions d’habitants, joue ici une partie décisive : l’IA peut être un levier de résilience, mais seulement si elle devient un bien commun et non un outil réservé à quelques privilégiés.
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