Gabon / Les disparitions à répétition : Un interminable cycle des enquêtes sans réponses

Pont de Mouila
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Par le passé, c’était à Ndjolé, le Grand Nord, Lambarené, Makokou, Libreville, Kango, Cocobeach, aujourd’hui c’est encore et toujours à Mouila. Comme dans un cycle infernal, les disparitions d’êtres humains n’en finissent pas de se produire sans qu’au bout de compte l’opinion nationale soit définitivement fixée sur les vrais responsables de ces actes odieux. Laxisme ou incompétence des services chargés de mener les enquêtes ?

C’est là où se situe le débat. Encore et toujours une nouvelle disparition d’êtres humains qui défraie la chronique du genre de ce qui a fait récemment grand bruit au village Mokabo dans le département de Douya-Onoye au point de faire entrer en ébullition Mouila, chef-lieu de la province de la Ngounié dans le Sud-Est du Gabon.

Toute la semaine du 19 au 25 juin 2017, la capitale provinciale de la Ngounié a été le théâtre des marches et manifestations croisées au centre desquelles étaient impliqués les Tsogo ressortissants du village Mokabo. Depuis fin mai déjà, le village Mokabo vivait dans l’atmosphère d’un volcan prêt à exploser. Pour cause ?

Deux jeunes enfants vivant sous la garde de leur grand-père ont disparu au cours du mois de mai dernier dans des conditions encore non élucidées. Lors de sa garde à vue, le grand-père interpellé aurait déclaré avoir caché les deux enfants dans le verger situé à cinq cents mètres du village Mokabo appartenant à une personnalité politique de premier plan, natif du coin. Voilà pour les faits.

Sans laisser l’enquête diligentée par les forces de sécurité sur instruction des autorités départementales et provinciales aboutir, comme on en a pris la fâcheuse habitude, certaines mauvaises langues ont vite fait d’établir un lien entre le propriétaire du verger et la disparition des jeunes enfants.

Sortir de la logique de la fuite en avant et de l’opprobre

Non contente des accusations hâtives et sans preuve aucune portées contre leur fils, la famille biologique de cette haute personnalité, propriétaire du verger, appuyée par des nombreux sympathisants qu’il compte dans la province se sont mobilisés comme un seul homme pour dénoncer cette logique de l’opprobre.

Dans les rues, devant le gouvernorat et au Tribunal de Mouila où une plainte émanant de la famille de cette haute personnalité aurait été déposée, ils ont crié leur ras-le-bol. « Nous sommes fatigués et nous en avons marre de voir notre fils vilipendé comme le bouc émissaire sur qui l’on doit essuyer tous les pêchés de Mouila sur la base des simples déclarations d’un quidam » a déclaré sous couvert de l’anonymat un ressortissant de Mokabo visiblement courroucé.

Pour un notable du département : « ce qui laisse prospérer les accusations gratuites des individus trouve sa source dans le manque des résultats concluants des services en charge des enquêtes. Non seulement ils ne communiquent pas, mais il y a aussi le fait qu’au final ils ne donnent presque pas des résultats clairs de nature à rassurer les uns et les autres ».

Sans avoir atteint des proportions alarmistes comme sous d’autres cieux, la disparition d’êtres humains tend à devenir un phénomène presque banal au Gabon.

Au point où cela n’émeut presque plus personne. En effet, l’on continue à enregistrer des nouveaux cas de disparition alors que les questions concernant celles antérieures restent sans réponse.

L’enquête commence là où s’arrêtent les commérages

A quelques différences près, le scénario est similaire. L’on signale la disparition quelque part dans un coin de la République d’une personne, enfant, dame, jeune ou adulte dans des conditions souvent brumeuses.

Des présumés suspects sont mis aux arrêts. Puis, tambours battants, l’on annonce le début d’une enquête.

Et avant même que celle-ci puisse prospérer, l’on ignore tout des différentes manipulations qui s’opèrent dans le noir et en catimini et les mains tapies dans l’ombre qui tirent sur les ficelles.

Quelques jours plus tard, des noms des personnalités du coin commencent à être cités pêle-mêle pour leur en faire porter le chapeau et tutti quanti …

Une fois que des personnalités politiques de premier plan, ressortissants du coin, sont citées comme impliquées de près ou de loin dans les différentes affaires, l’on entre dans une logique d’enlisement. Puis, plus rien.

L’opinion veut des résultats et non pas un paravent politique

Cette tendance à vouloir mêler les hommes politiques aux affaires des disparitions d’êtres humains ne date pas d’aujourd’hui. Elle semble dangereusement vouloir s’installer comme une normalité. Erreur.

Non seulement elle complique leur travail, mais elle pousse surtout les enquêteurs au découragement. Mettant ainsi à nu leur incapacité à mettre en lumière et établir de façon absolue les responsabilités. Cela doit durer jusque quand ?

De notre point de vue, c’est un véritable défi qui est lancé aux agents en charge de mener les enquêtes qui doivent refuser de tomber dans cette facilité assimilable à un paravent.

L’heure est donc venue pour que du plus gradé au moins gradé, les responsables en charge des enquêtes, à quelque niveau de l’échelle judiciaire, travaillent pour prouver le contraire et tordre le cou à cette mauvaise réputation de laxisme, d’incompétence ou de chape de plomb que l’opinion leur colle à la peau.

Cela est valable pour ce qui s’est passé hier dans d’autres coins de la République tout comme pour ce qui se passe à Mouila dans l’affaire du verger de Mokabo. Ce n’est qu’à ce prix que l’on sortira du vicieux cercle des questions indéfiniment sans réponses.

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About the Author

Lazard Obiang
Lazard possède 10 ans d'expérience dans le journalisme en ligne. Il s'occupe pour AfricTelegraph de l'actualité politique et économique au Cameroun, au Gabon et au Congo. Il travaille avec différentes presse en ligne au Gabon notemmant lenouveaugabon.com.

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