Un rapport explosif de la médiatrice de la République, après plusieurs mois d’enquête, devait sortir vendredi à ce sujet, mais le président sud-africain a saisi en urgence la justice pour suspendre sa parution. Le ministre sud-africain des finances, Pravin Gordhan, sera convoqué par la justice pour fraude. Les charges retenues contre lui remontent à son premier mandat aux Finances entre 2009 et 2014. Il est accusé d’avoir « délibérément trompé » l’administration en ayant favorisé les conditions du départ à la retraite d’un haut fonctionnaire pour un préjudice de 1,1 million de rands (70.000 euros).
Le ministre a réagi en dénonçant un « harcèlement » motivé par des considérations politiques et derrière lequel plane l’ombre du président. Dans une déposition écrite, il a contre-attaqué une puissante famille d’affaires soupçonnée d’influencer le président Zuma.
Dans cette déposition sous serment datée de jeudi, Pravin Gordhan révèle notamment plusieurs échanges qu’il a eus avec le patron d’une cellule d’enquête contre les crimes financiers (FIC) où sont évoquées « des transactions suspectes » de la part des entreprises détenues par la fratrie Gupta. Il va s’en dire que la famille Gupta est directement concernée puisqu’elle est soupçonnée d’imposer au chef de l’Etat la nomination de ministres ou de chefs d’entreprises publiques.
Les Gupta sont accusés de l’avoir influencé et même de lui avoir dicté quelle décision prendre. Cela veut donc dire qu’il a abandonné son autorité à quelqu’un qui n’est pas de l’exécutif. C’est une faute grave qui peut être poursuivie au pénal.
Les banques ont signalé au FIC plus de 70 transactions suspectes provenant des entreprises des Gupta, pour un montant total de 6,8 milliards de rands (433 millions d’euros), explique Pravin Gordhan dans sa déposition, ajoutant que ces correspondances font suite à la décision prise en avril par les grandes banques sud-africaines de fermer les comptes des sociétés appartenant aux Gupta.
Le ministre des Finances publie aussi de nombreuses correspondances entre avril et septembre où les représentants des Gupta lui avaient demandé d’agir pour persuader les banques de rouvrir leurs comptes. Pour lui, rien dans la loi n’autorise une intervention gouvernementale dans les contrats entre une banque et son client.
Beaucoup d’observateurs estiment que cette décision du report avait été prise pour des questions d’image en raison de la réputation sulfureuse de la famille. Aucune raison officielle n’avait été donnée.
Cette déposition symbolise l’escalade des tensions entre le ministre des Finances et le président Zuma. Sa droiture et sa bonne gestion des deniers publics sont saluées par les marchés. Il s’oppose frontalement à Jacob Zuma et ses fidèles au sujet des entreprises publiques, dont la gestion est au cœur de plusieurs scandales impliquant le pouvoir.
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