Depuis la mise en ligne de la bande-annonce de Queen Cleopatra, les réseaux sociaux sont le théâtre d’une véritable guerre raciale. Les internautes occidentaux rejettent l’idée d’une Cléopâtre noire, tandis que les africanistes la revendiquent fièrement. Une bataille qui relance le débat sur l’apparence de cette figure presque mythique de l’Egypte antique.
Netflix a dévoilé, le jeudi 13 avril, le trailer de sa série documentaire « Queen Cleopatra », le premier volet d’une saga de documentaires visant à présenter les reines africaines les plus importantes et emblématiques de l’histoire. Attendue sur la plateforme de streaming le 10 mai prochain, la première saison se concentrera sur la vie de la reine Cléopâtre VII. Il s’agira de mettre en valeur son intelligence, jusque-là éclipsée par sa prétendue beauté et ses amours.
« Cancel culture » et « réécrire l’histoire »
La productrice Jada Pinkett Smith – femme de Will Smith – a choisi l’actrice britannique noire, Adele James, pour jouer le rôle de Cléopâtre VII. De quoi enrager de nombreux internautes occidentaux, déjà très embêtés par les propos de Gims. Ils accusent Netflix de « cancel culture » ou de vouloir « réécrire l’histoire » à la sauce Wakanda. Pour eux, la célèbre reine égyptienne est bel et bien blanche car originaire de la Macédoine. Convaincus d’avoir affaire à une falsification de faits historiques, ils ont lancé une pétition en ligne pour demander le retrait de la série sur la plateforme de streaming. Cette pétition avait recueilli plus de 20.000 signatures en début de semaine.
Cheick Anta Diop appelé à la rescousse
Ces internautes occidentaux ont d’autant crié à l’usurpation que d’autres personnes ont revendiqué « l’origine noire » de Cléopâtre. Se référant à la situation géographique de l’Egypte (ce qui n’est pas un argument valable), ces africanistes affirment que le pays des Pharaons a été noir à l’origine, avant les invasions arabe et romaine. Ils croient d’ailleurs que les historiens et archéologues occidentaux cachent une grande partie de la vraie histoire de l’Egypte, dans un élan raciste.
Confrontés à l’absence de preuves scientifiques, les panafricanistes invoquent régulièrement l’historien, anthropologue et homme politique sénégalais Cheick Anta Diop. Cet intellectuel, qui se présentait comme un égyptologue, a fait de l’Egypte une nation africaine et noire. Certains africanistes, moins radicaux, évoquent une Cléopâtre métisse en raison des origines africaine de sa mère et macédonienne de son père. Mais qu’en dit l’Histoire, du moins l’officielle ? Pratiquement rien.
Pas d’unanimité non plus chez les historiens
Les textes hérités de l’Antiquité ne parlent pas de l’aspect physique de Cléopâtre. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle est la fille de Ptolémée XII. Elle appartient donc à la dynastie lagide, dont le règne sur l’Égypte remonte à -323 et au général macédonien Ptolémée Ier, son aïeul. Certains sources suggèrent qu’elle fut blanche parce qu’à partir du deuxième roi, la dynastie a tout fait pour préserver sa pureté ethnique. D’où des mariages arrangés entre frères et sœurs.
Mais Cléopâtre aurait aussi pu être métisse malgré cette obsession pour la conservation du sang royal. En effet, d’autres sources affirment que la mère de la reine était noire. En 2009, par exemple, l’Académie autrichienne des sciences a divulgué les analyses des restes d’Arsinoé IV, une sœur supposée de Cléopâtre, dont le tombeau a été retrouvé en Turquie. Les expertises ont conclu qu’elle était noire. Mais, ces recherches ne font pas l’unanimité parmi les historiens.
Une indignation très sélective
Au-delà de la simple polémique sur l’apparence historique de Cléopâtre, notons que cette controverse développe des accents racistes. De nombreux commentaires s’attaquent à la race noire et lui nient toute civilisation. Cela rappelle la vague d’insultes reçues par la comédienne afro-américaine Halle Bailey, après avoir incarné La Petite sirène Ariel dans l’adaptation en live-action du classique Disney.
Pourtant il ne s’agissait que d’un personnage de fiction, et de surcroît une créature qu’on retrouve dans de nombreuses légendes partout dans le monde. Mais surtout dans les contes des tribus d’Afrique et des Caraïbes. Tout se passait comme si la peau noire n’avait pas droit aux premiers rôles (aux bons) dans les films d’Hollywood. Par ailleurs, notons qu’il est assez étranger qu’un tel débat n’ait pas lieu quand des actrices blanches interprètent des personnages d’autres cieux.
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