Cameroun : Starlink en quête d’un retour sous contrôle

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Après avoir été interdit en 2024, Starlink négocie sa régularisation au Cameroun. Les autorités posent leurs conditions pour encadrer ce géant du satellite.

Un retour espéré après une suspension brutale

En avril 2024, l’État camerounais suspendait brutalement les activités de Starlink sur son territoire. La filiale de SpaceX, propriété d’Elon Musk, proposait alors un service internet par satellite sans autorisation officielle. En parallèle de l’interdiction du service, les douanes camerounaises ont lancé une vaste opération de saisie des équipements Starlink, en particulier les kits d’accès importés illégalement. L’opérateur se retrouvait ainsi exclu du marché, face à un pouvoir politique soucieux de réaffirmer sa souveraineté numérique.

Le 26 juin dernier, une délégation de Starlink a rencontré Minette Libom Likeng, ministre des Postes et Télécommunications. Objectif : régulariser la situation et relancer l’offre internet satellitaire sur tout le territoire. Une demande a officiellement été déposée auprès de l’Agence de régulation des télécommunications (ART). Si le dossier est désormais en instruction, Yaoundé se montre prudent : il s’agira de bâtir un « cadre réglementaire et fiscal équilibré », garantissant que Starlink ne puisse agir en acteur libre, hors des règles nationales.

Starlink s’attaque à un marché dominé par trois poids lourds : Camtel, Orange et MTN. Ces opérateurs historiques assurent l’essentiel de la connectivité du pays, malgré des performances souvent critiquées. Pour les consommateurs camerounais, Starlink pourrait offrir une alternative performante, notamment dans les zones rurales. Mais pour les autorités, la priorité reste de préserver une « concurrence saine et équitable », sans provoquer de déséquilibres dans l’écosystème local.

Une opportunité stratégique pour le Cameroun numérique

La promesse de Starlink est simple : une connexion internet rapide, accessible partout, même dans les territoires les plus isolés. Dans un pays où de vastes régions restent hors de portée du haut débit terrestre, le satellite représente une solution technique crédible. En acceptant une relance encadrée de Starlink, le Cameroun pourrait ainsi accélérer sa stratégie d’inclusion numérique, à condition de préserver la régulation et la fiscalité locale.

Selon un cadre du secteur des télécoms, le Cameroun envisage une coexistence pragmatique : Starlink pourra opérer, mais sous réserve d’un encadrement rigoureux. Cela inclut la délivrance d’une licence formelle, la fixation de redevances, le respect des normes de sécurité, et une coopération technique avec les autorités. L’objectif est clair : éviter que Starlink n’opère comme une plateforme étrangère incontrôlable, échappant aux obligations des acteurs locaux.

En régularisant Starlink, Yaoundé envoie aussi un signal aux investisseurs internationaux : le Cameroun peut accueillir des géants technologiques, mais selon ses termes. À l’heure où les infrastructures numériques sont devenues un levier de développement, cette régulation stratégique permettrait au pays de rester souverain dans ses choix technologiques, tout en bénéficiant des innovations venues de la Silicon Valley.

Une dynamique continentale favorable à Starlink

Autrefois interdite en République démocratique du Congo, la société de Musk a récemment obtenu une licence pour opérer sur l’ensemble du territoire congolais, l’un des plus vastes et les moins connectés d’Afrique. Un signal fort pour Starlink, qui gagne ainsi en crédibilité auprès des gouvernements africains. La Lesotho Communications Authority a, de son côté, accordé une licence de dix ans à Starlink Lesotho (Pty) Ltd, renforçant la présence du groupe en Afrique australe.

D’après la carte de disponibilité de l’entreprise, le service de Starlink devrait prochainement couvrir le Sénégal et la Côte d’Ivoire. L’opérateur étoffe ainsi progressivement son réseau africain, dans des pays où les besoins en connectivité sont immenses. Cette stratégie de déploiement s’accompagne de négociations serrées avec les régulateurs, chacun exigeant transparence, fiscalité claire et garantie de sécurité numérique.

Starlink ne se contente plus de sa technologie : il construit un modèle diplomatique. Chaque implantation devient le fruit d’un compromis entre puissance technologique et souveraineté nationale. Pour le Cameroun, comme pour ses voisins, il ne s’agit plus seulement de se connecter au monde, mais de le faire selon des règles définies localement. Une exigence politique que le groupe d’Elon Musk semble désormais prêt à accepter.

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