Dans un document intitulé « Lancement du free roaming en Afrique de l’ouest », l’ARTP annonce le démarrage effectif du free roaming à partir du 31 Mars 2017 dans 5 pays d’Afrique de l’Ouest dont le Sénégal. Et selon l’ARTP, ce service permet la réception gratuite des appels dans un plafond de 300mns et des SMS. Tandis que les appels et SMS émis seront facturés aux tarifs appliqués par les opérateurs du pays visité. Et pour donner une idée de la baisse des tarifs, l’ARTP a donné l’exemple d’un sénégalais en visite au Mali.
Il faut faire remarquer avant tout que pour lancer ce service de free roaming, l’ARTP a plutôt mis en place un système de roaming préférentiel qu’un « One area network » ou réseau unique car la réalisation de ce dernier a un impact considérable sur l’architecture technique des réseaux des opérateurs et ne peut être mis en œuvre en si peu de temps.
L’un des objectifs du free roaming ou itinérance gratuite en français est la baisse des tarifs. C’est ce qui explique que tous les arguments brandis par l’ARTP pour expliquer le bien fondé et la bonne mise en œuvre du projet sont basés sur les tarifs¬: anciens et nouveaux. Pour être en conformité avec cette démarche de l’ARTP, ASUTIC a aussi procédé à l’analyse des tarifs pour pouvoir apprécier la mise en œuvre du projet de free roaming.
D’abord, ASUTIC constate que le tarif de roaming utilisé par L’ARTP comme tarif de référence est celui de l’opérateur Tigo. Ensuite, il s’agit de l’un des tarifs de roaming les plus élevés dans l’espace CEDEAO pour ne pas dire le plus élevé. En effet, il est 2 voire 4 fois plus chers que celui de ses concurrents. Tigo, uniquement présent au Sénégal et n’ayant pas de tarifs préférentiels avec un opérateur partenaire, ne peut qu’offrir des tarifs exorbitants donc inabordables bien que le tarif d’interconnexion dans la sous-région soit en baisse. Ainsi, l’ARTP a pris comme référence des tarifs économiquement déraisonnable, commercialement injustifiable dans un secteur où seule la compétitivité des tarifs permet de se différencier. Pourquoi l’ARTP¬ a choisi les tarifs de Tigo comme référence alors que d’autres tarifs de roaming plus compétitifs sont proposés par Orange Sénégal¬?
Le free roaming que l’ARTP nous présente avec insistance depuis Juillet 2016 comme une innovation majeure, ne constitue pas une nouveauté dans le secteur et n’est en rien inédit. En effet, face à une rude concurrence, certains opérateurs (Zain, MTN, Orange) ont pris les devants depuis au moins 10 ans, en rendant le roaming gratuit afin de mieux répondre aux besoins de leurs clients voyageurs appartenant au même groupe. Ainsi, avec l’offre «-Orange zone¬» qui couvrait toutes les filiales Orange en Afrique de l’Ouest, l’abonné sénégalais bénéficiait d’un tarif de 150 F CFA HT en émission d’appels, vers un pays Orange Zone, de 200 F CFA HT vers l’international et enfin de la gratuite illimitée en réception d’appels. Le SMS étant à 95Fcfa TTC pour Orange Téranga et forfait mobile car le client prépayé ne pouvait envoyer de SMS.
Ce modèle économique basé sur le réseau unique favorable au consommateur a été remis en cause par la surtaxe (141 F CFA) sur les appels internationaux entrant d’Août 2011. Orange refusa de l’endosser et la répercuta sur les tarifs de détails.¬ Ainsi, Orange augmenta ses tarifs de roaming ¬ qui sont passés en émission d’appels de 150 F CFA HT à 247,8 F CFA TTC, international à 371,70 F CFA TTC tandis que la réception gratuite des appels, illimitée, est maintenue.
Malgré l’abrogation en 2012 du décret instituant la surtaxe, Orange n’a jamais appliqué les tarifs des appels internationaux entrants d’avant surtaxe (avant août 2011) bien qu’elle ait annoncé par un communiqué en date du 11 Mai 2012, une baisse de tarifs à partir du 15 mai 2012.
Cette surtaxe a permis à Orange de hausser de 54,2% ses tarifs internationaux depuis 2012, continuant ainsi de se sucrer sur le dos du peuple sénégalais, au vu et su de l’autorité. Ceci au moment où le tarif d’interconnexion est en baisse et est à moins de 100 F CFA. Orange utilise l’inflation comme principal levier de croissance au lieu de l’innovation et de la compétitivité. Voilà ce qu’est réellement cette société privée qu’on nous présente comme un modèle.
Ainsi, les mêmes tarifs de roaming étant restés en vigueur jusqu’au 30 Mars 2017, nous constatons qu’au Sénégal, le tarif de Tigo (1100 F CFA) est, au moins, ¬4 fois plus élevé que celui d’Orange (247,8 F CFA TTC)¬; la réception d’appels facturée à 200 par minute est gratuite avec Orange tandis que l’appel local de 400 F CFA/mn de Tigo est à 185,85 F CFA/mn avec Orange. Au Mali, le tarif roaming est de 236 F CFA TTC et de 258 FCFA TTC en Côte d’Ivoire.
Au vu de tout ce qui précède, les tarifs de Tigo, opérateur connu des sénégalais pour ses pratiques commerciales opaques, spécialisé dans le « vol de crédit », la publicité trompeuse, sans compter les nombreux manquements à son cahier des charges, ne saurait être des référentiels pour évaluer la mise en œuvre du projet de free roaming de l’ARTP. Par conséquent, les nouveaux tarifs de roaming à 300 FCFA TTC (hausse de 21,45%,), avec réception appels plafonnée à 300mns, appel local à 300 F CFA/mn (hausse de 62,16%), ¬l’international à 400 F CFA/mn (hausse de 7,81%) constituent une hausse généralisée des tarifs de roaming en Afrique de l’Ouest au profit du Groupe Orange. Désormais, les maliens en visite au Sénégal, en Côte d’Ivoire payerons 300 F CFA au lieu de 236 F CFA, les ivoiriens en visite au Sénégal ou au Mali, 300 F CFA au lieu de 258 F CFA, idem pour les sénégalais quand ils vont au Mali, Cote d’Ivoire, Guinee etc 300 F CFA au lieu de 247 F CFA. Voilà, le résultat du travail de l’ARTP sur son projet de free roaming.
Malgré la propagande politico-médiatique de l’ARTP sur ce projet depuis Juillet 2016, la dure réalité des chiffres est implacable ! Comble de malheur, la Direction Générale de l’ARTP s’en glorifie, en présentant ce free roaming en Afrique de l’ouest, comme un élément positif du bilan des 5 ans du régime en place depuis 2012. Les sénégalais apprécieront.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que des 15 pays de la CEDEAO, huit ne se sont pas intéressés au projet et deux (Cote d’Ivoire, Sierra Leone) trainent les pieds pour intégrer le collectif pour la défense des intérêts du Groupe Français Orange en Afrique de l’Ouest pilotée par le régulateur du Sénégal (ARTP).
Avec l’objectif de hausse des tarifs d’Orange, on comprend pourquoi l’ARTP a préféré utiliser les tarifs de Tigo plutôt ceux de ses concurrents et qu’Orange a fait disparaitre promptement de son site web ses anciens tarifs de roaming ¬pour ne publier que les nouveaux. Elle aurait dû, à l’instar d’Orange Mali ou Cote d’Ivoire, laisser en place les anciens tarifs afin que les sénégalais puissent apprécier la réalité de la baisse tant proclamée par l’ARTP.
Depuis 2012, l’ARTP est constante dans sa démarche de satisfaire les intérêts du Groupe Orange. Elle n’a jamais travaillé pour la création des conditions d’une concurrence saine et loyale entre les opérateurs encore moins pour la préservation des intérêts du Sénégal. L’ARTP ne sort de sa torpeur que pour prendre des décisions favorables à Orange. La liste noire de la «¬Cosa Nostra¬» des télécoms, ARTP-Orange, est longue:
Ce constat, loin d’être exhaustif, révèle l’ampleur du désastre que constitue l’ARTP. La régulation du secteur des télécoms depuis 2012, par cette autorité s’est faite au détriment des intérêts du Peuple Sénégalais au profit de ceux du Groupe Français Orange. A l’heure de l’évaluation, la gestion de l’ARTP du secteur télécoms sera marquée d’une grosse pierre noire dans le bilan de l’actuel régime tant elle est jalonnée d’échecs et de renoncements à la préservation de l’intérêt national.
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