Bruno Ben Moumbamba a manqué de sagesse et de discernement en contestant le management du Chef du gouvernement. Il sait qu’il aura plus de difficulté à matérialiser ses ambitions politiques, notamment celle qu’il a récemment réaffirmé à l’adresse des PDGistes de la Nyanga : assumer le leadership politique de la province.
A quelques mois des législatives prévues pour avril 2018, le président de l’ACR part déjà avec un sérieux handicap. Ils sont nombreux ceux qui pensent que son parti sortira de cette élection avec un élu. Ses chances à lui, à Moabi, déjà incertaines, semblent s’être fortement amenuisées. Bénéficie-t-il toujours du soutien du «distingué camarade» du Parti démocratique gabonais (PDG) ? Difficile de répondre.
Pour les uns, l’ex-ministre d’Etat avait alors précisé que son ambition bénéficierait au président de la République. Raison pour laquelle il a cherché à se comporter comme un électron libre au milieu de ceux qu’il qualifie des adversaires du développement du Gabon et du Chef de l’État. Pour les autres, l’ancien vice-Premier ministre pour avoir occupé le 3e rang derrière Ali Bongo Ondimba et Jean Ping au terme de la présidentielle d’août 2016, pourrait surprendre lors des prochaines législatives.
Auréolé d’un rang protocolaire d’abord de Vice-Premier ministre ensuite de ministre d’Etat pour avoir répondu le premier positivement à la main tendue d’Ali Bongo, il prétend ne pas aimer leur mode de vie, mangeant leur nourriture sans être de leur coté, oubliant même qu’un jour on devrait lui cracher au visage. Onze mois après son entrée au gouvernement et moins de trois semaines après sa reconduction, Bruno Ben Moubamba n’a pas compris comment fonctionne un pays politiquement et administrativement lorsqu’on est aux affaires de l’Etat.
BBM, ancien membre du gouvernement imbu de sa personne?
Visiblement imbu de sa personne, en tant que docteur en philosophie, il n’a pas appris et retenu la leçon qu’on ne s’attaque pas au chef du gouvernement n’importe comment. « Mon alliance objective avec le Président est intacte, en tout cas de mon point de vue », dit-il à qui veut l’entendre. Du fait de sa propension à hausser le ton, à livrer crûment le fond de sa pensée et à s’épancher sur les réseaux sociaux, il a été chassé du gouvernement Issoze Ngondet II.
Bruno Ben Moumbamba a manqué, selon le Premier ministre, aux trois principes fondamentaux qui guident l’action du gouvernement et les devoirs de ses membres. « Le premier de ces devoirs est la solidarité gouvernementale qui induit que chaque ministre est solidaire des décisions prises par le gouvernement et les assume. Le second est le devoir de responsabilité qui l’oblige au sens élevé de l’Etat et par conséquent au devoir de réserve et de secret des délibérations auxquels il prenait part à l’occasion de l’exercice de sa fonction. Par conséquent, les seules instances au sein desquelles (les ministres) sont appelés à exprimer librement leurs divergences éventuelles sont le Conseil interministériel et le Conseil des ministres ».
Le troisième devoir qui s’impose naturellement à lui était «le respect de la hiérarchie». Issoze Ngondet estime de ce fait qu’il est de son devoir de rappeler que le gouvernement de la République est la plus haute instance de gestion du pays autour du président de la République. «Il ne saurait en aucune manière devenir un forum au sein duquel chaque individu fait valoir ses propres intérêts. Il est également de mon devoir de veiller à la stricte observance, par tous, de ces principes et de ne tolérer aucun écart de nature à fragiliser la cohésion gouvernementale et son action au service de nos compatriotes», a-t-il déclaré.
Tout ce qu’il pouvait faire était voué à l’échec
Depuis son clash avec les députés de la majorité au pouvoir à l’Assemblée nationale, après les avoir « insultés », tout ce qu’il pouvait faire était voué l’échec. Bruno Ben Moubamba a fonctionné sans budget d’investissement. Lors de sa conférence de presse, il s’est exprimé en ces termes : « J’ai récupéré un ministère en ruine, qui avait été fermé en 2011 à cause de la corruption effrénée, sans budget d’investissement ni de fonctionnement, je l’ai remis en ordre et j’ai payé de ma propre poche la plupart des factures. J’ai réhabilité l’administration qui avait été annihilée pendant le premier septennat, car il n’y a pas d’Etat sans administration. J’ai déposé au Conseil d’Etat et au Conseil des Ministres de nombreux textes juridiques et signé un arrêté sur le ‘Nouvel Odre Urbanistique’ ».
Ben Moubamba a-t-il fait la démonstration de l’impuissance ministérielle ? Difficile à dire. Toutefois, avant son limogeage, il s’en était pris négativement à tous les directeurs généraux du département de l’Habitat. De sources proches de la primature, on affirme qu’on n’a pas compris sa feuille de route de mettre tous les directeurs provinciaux à la touche et remplacés par des intérimaires, pour un oui ou pour un non. En lieu et place, c’est un comité technique de représentants des directions générales qu’il avait mis en place au ministère, qui assurait le fonctionnement du département en ce qui concerne la rédaction des textes de loi, les décisions du fonctionnement des directions générales et le nouvel ordre urbanistique.
Par le simple fait de lui retirer certaines tâches pour les confier à un ministre délégué et le rattacher à la Primature par souci d’efficacité, chargé de l’urbanisme et des affaires foncières, des directeurs centraux qui ne rendent compte qu’au Premier ministre alors qu’il y a dans le même gouvernement, un ministre d’Etat chargé de l’Habitat et de l’urbanisme, Bruno Ben Moubamba a laissé entendre que Issoze Ngondet s’est arrogé des pouvoirs des directions du ressort de deux ministères-clés. L’homme de Mékambo n’a pas respecté la loi, déclare-t-il dans les réseaux sociaux et devant les médias, ajoutant qu’il a lui-même poussé le Premier ministre à l’évincer parce qu’il n’était pas d’accord avec un certain nombre de décisions.
BBM sûr de lui!
« J’ai poussé le Premier ministre dans ses retranchements, en l’obligeant à me faire partir, parce que je ne pouvais plus rester dans un gouvernement où les principes avaient été violés », a-t-il fait observer. Issoze Ngondet s’est emparé du ministère de l’Habitat. Ensuite, des assurances, des domaines, des opérations foncières et également d’un certain nombre de directions liées au ministère de l’Economie. Depuis quand s’occupe-t-il des questions pointues ? Emmanuel Issoze Ngondet limite-t-il les questions foncières à la seule attribution de parcelles ? Comment le ministre délégué aux Affaires foncières va-t-il cohabiter avec la Commission nationale d’affectation des terres, logée au ministère de l’Economie ? Autant des questions que Moubamba se posent au nom de la solidarité gouvernementale voulue.
L’ex-ministre d’Etat, Bruno Ben Moubamba affirme avoir déjoué et bloqué de nombreux trafics fonciers, empêchant certains de s’enrichir de façon démesurée au détriment de la terre gabonaise. « Il a tenté, en vain, de me faire sortir du gouvernement lors du récent remaniement. Je n’ai eu mon maintien qu’à la seule volonté du Président de la République ». Mais comment peut-il expliquer que d’autres membres du gouvernement avant lui à l’instar de Paul Biyoghe Mba, Blaise Louembe ou Mathias Otounga Ossibadjouo, pour ne citer que ceux-là, se sont pourtant vu retirer des pans importants de leurs charges ou affectés ailleurs, ne se sont pas comportés comme lui en répandant des envolées enfantines dans les réseaux sociaux. Ils ont accepté de servir là où ils ont été envoyés en mission, en donnant la preuve qu’ils étaient au service de la nation et non de leurs privilèges. Ce qui n’est pas moins d’une marque de patriotisme.
Où est alors le patriotisme au nom Bruno Ben Moubamba ?
Tout comme on peut le voir dans le décret fixant le champ d’intervention du ministre délégué en charge des Affaires foncières et du Domaine public, le ministre délégué peut très vite se retrouver en conflit avec plusieurs de ses collègues. Toutes les attributions du ministre en charge de l’Habitat et de l’Urbanisme lui reviennent. Il a désormais un droit de regard sur les travaux topographiques, l’urbanisme, le cadastre, la conservation foncière, les hypothèques et même, l’aménagement du territoire. On ne peut, en conséquence, se réjouir d’une telle distribution des rôles. La cohésion d’un gouvernement dépend de la bonne circulation de l’information et d’une compréhension partagée des défis. Elle ne procède ni de la docilité des ministres, ni des arrangements encore moins des calculs.
Moubamba disait certaines choses qui gênaient peut-être les membres du Parti démocratique gabonais (PDG). Sa nomination au gouvernement ne signifiait pas sa soumission au parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Bien au contraire, il est resté opposant au Système. Néanmoins, en s’identifiant d’une opposition responsable, capable de reconnaître les actions gouvernementales positives comme de condamner les mauvaises. Normalement, un ministre d’ouverture se remplace par un ministre d’ouverture et non par un second couteau du parti dominant. Pour demeurer fidèle à la logique politique, Bruno Ben Moubamba aurait dû être remplacé, au choix, par Dieudonné Minlama Mintogo, Augustin Moussavou King ou un autre opposant très actif au dialogue national.
Quid de la circulaire du Premier ministre ?
« S’agissant du décret de nomination, en procédant au remaniement du Gouvernement, le Premier Ministre a transféré un certain nombre de compétences du ministère de l’habitat, à la Primature. Et pour formaliser ce transfert, il a pris de façon discrétionnaire, une note circulaire le 6 septembre 2017, par laquelle il indique clairement que le Ministre Délégué auprès du Premier Ministre assurerait dorénavant la tutelle de la plupart des services-clés du département dont nous avions la charge, qu’il aurait par ailleurs autorité sur les Directions Générales de l’Urbanisme et des Aménagements Fonciers (DGUAF) faisant partie intégrante des services placés sous mon autorité par le décret portant organisation et attribution du ministère de l’Habitat. Étant donné que la note circulaire numéro 1449/PMCG du 6 septembre 2017 est une violation flagrante de la législation en vigueur et que les bonnes pratiques gouvernementales n’ont pas été observées dans l’élaboration de ladite circulaire, nous sommes obligés de porter la question, en notre âme et conscience, devant l’opinion en nous exprimant par des voies accessibles à tous.
Un ministre titulaire vidé de son portefeuille
En effet, la circulaire du Premier Ministre datée du 6 septembre courant, rend sans objet la présence d’un Ministre titulaire en charge de ces questions. Le problème à venir transparaissait déjà dans le décret numéro 252/PR du 21 août 2017 fixant la composition du Gouvernement. Ce décret affecte au Premier Ministre, un Ministre Délégué ayant la charge délibérément vague « des Affaires foncières et du domaine public ». On peut lire dans la déclaration de Bruno Ben Moubamba.
S’il est habituel de voir un Premier Ministre affublé d’un Ministre Délégué, il est étonnant qu’on confie à ce Ministre Délégué des compétences qui relèvent d’un Ministère existant et fonctionnel. Ce simple fait suggère que le Premier Ministre, « plutôt que de diriger l’action du Gouvernement comme le veut l’article 29 de la Constitution, a décidé de s’arroger la direction du Ministère en charge de l’Habitat, de l’Urbanisme, du Cadastre et des Travaux Topographiques » soutient Bruno Ben Moubamba.
Le PM est un cumulard selon BBM
Et de rétorquer « Or, il est bien connu dans les principes du droit administratif que le Premier Ministre ne dirige ni un super ministère ni un premier ministère comparable aux départements ministériels. S’il assure la coordination de l’action du Gouvernement en tant qu’institution collégiale, juridiquement, il n’est pas le supérieur hiérarchique des Ministres dès lors qu’il ne peut ni annuler leurs décisions ni se substituer à eux pour exercer leurs compétences. »
Juridiquement, le Premier Ministre et les Ministres – en dépit des distinctions protocolaires et politiques – sont placés sur un pied d’égalité. En droit strict donc, l’autorité du Premier Ministre ne s’exerce que sur un certain nombre de services qui lui sont rattachés à l’exemple du Secrétariat Général du Gouvernement.
Le Premier ministre ne peut donc se substituer à un autre membre du Gouvernement pour exercer ses prérogative sans enfreindre les prescriptions de la légalité. Or, c’est ce qu’il fait en attribuant l’ensemble des compétences d’un Ministre à un Ministre Délégué qui lui est rattaché et auquel il attribue discrétionnairement des compétences qu’aucun texte autre que sa seule note circulaire ne lui reconnaît. Ce qui, autrement exprimé, signifie que c’est le Premier Ministre lui-même qui, sans le dire, sans l’expliciter, sans en avoir l’air, est le titulaire véritable dudit portefeuille, explique Bruno Ben Moubamba.
Bien sûr, le Premier Ministre a des attributions administratives que lui reconnaissent la Constitution et le décret fixant ces dernières. Il en est de même des autres Ministres. En l’occurrence, le décret numéro 1496/PR/MHUEDD du 29 décembre 2011 qui porte attributions et organisation du Ministre responsable de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Cadastre. Il est chargé de l’orientation, de la conception, du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques.
Les responsabilités du ministre de l’habitat
En tant que Ministre responsable de l’exécution de la politique du Gouvernement en matière d’habitat, de logement, d’urbanisme, d’aménagements fonciers, de travaux topographiques, de cadastre et de cartographie, en liaison avec les autres départements ministériels et les collectivités locales concernés, c’est à ce Ministre que revient la responsabilité de l’application des textes fixant : La composition du domaine de l’État et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation ; Le régime de la propriété foncière ; La concession d’aménagement foncier en République gabonaise ; L’organisation et la gestion de toutes les administrations centrales qui en relèvent ; L’organisation des Conservations des propriétés foncières et des hypothèques ; La Cession et la location des terres domaniales, etc.
Ces matières sont considérées comme les moyens qui permettent au Ministre en charge de l’Habitat, de l’Urbanisme, du Cadastre et des travaux topographiques, de conduire les politiques publiques dont le Ministère a la charge. L’objectif étant de répartir les attributions entre quelques grandes unités homogènes aux compétences bien définies afin de favoriser la cohérence générale de l’organisation administrative de l’Etat.
Le conseil des ministres court circuité par la cirulaire
Un tel aménagement organique des compétences a été fixé par décret délibéré en Conseil des Ministres, après avis du Conseil d’Etat. Si donc ces attributions doivent être réaménagées, elles ne peuvent l’être qu’au moyen d’un autre décret, explique Bruno Ben Moubamba. « Parallélisme des formes et compétences obligent, le Premier Ministre ne peut, méconnaissant le sens et la portée des dispositions normatives existantes, par le biais d’une simple mesure d’ordre intérieur à sa convenance qui n’affecte pas l’ordonnancement juridique, s’auto-attribuer ces matières sans commettre une erreur de Droit« .
Il faut noter que « un ministre Délégué a vocation à exercer son office, sans être en concurrence, auprès du titulaire du portefeuille pour lequel il reçoit des compétences d’attributions. Si le décret portant attribution de compétences à un Ministre Délégué – et c’est un principe général de Droit – dispose que l’intéressé contresignera les décrets relevant des compétences qui lui sont attribuées par délégation, il reste que le contreseing d’un Ministre Délégué placé auprès d’un Ministre ne peut que s’ajouter à celui de ce Ministre, jamais s’y substituer. Qui plus est, l’omission du contreseing d’un Ministre Délégué placé auprès d’un Ministre n’entache pas d’illégalité un décret contresigné par ce Ministre« .
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