Construite ex nihilo sur un emplacement choisi pour sa situation stratégique, mais par ailleurs compliquée, la ville de Saint Louis montre bien le génie de ses bâtisseurs dont les ouvrages d’art ont progressivement transformé un banc de sable pour en faire cette cité rayonnante dans toute l’Afrique Occidentale Française.
La ville est entrée dans le 21ème siècle avec le label du patrimoine universel de l’humanité. La rédaction d’Africtelegraph s’est déplacée à l’intérieur de la capitale pour faire un reportage sur le patrimoine des villes coloniales.
« La VUE (Valeur Universelle Exceptionnelle) du site, établie lors du classement, énumère les principaux trésors patrimoniaux de Saint Louis : son site paysager, son tissu urbain et son architecture coloniale », a dit Mme Suzanne Hirschi, architecte. Selon elle, le processus de patrimonialisation de l’architecture coloniale, engagé depuis longtemps, a permis de réaliser de nombreuses rénovations, mais il n’a pu éviter la dégradation, voire la destruction, de nombre d’autres bâtiments.
Elle est d’avis que c’est un processus lent, coûteux, alors que nous sommes engagés dans une course contre la montre avec un bâti vieillissant dont l’état d’usure est très prononcé. « La finalité même de cette entreprise n’est pas toujours bien comprise et fait apparaître des différences, entre des partisans d’une reconstruction à l’identique et ceux qui craignent qu’un cadre réglementaire trop strict ne fige l’île dans le passé. Il faut prendre un peu de recul et adopter une vue d’ensemble pour se rendre compte que la trame urbaine, si elle s’est globalement maintenue dans ses caractéristiques originelles, commence à être affectée », dit-elle.
La rénovation du pont Faidherbe, l’aménagement de la place Faidherbe et la réhabilitation de la gouvernance (planifiées), vont dans le bon sens, car ces projets dessinent une continuité, qu’on pourrait encore prolonger par la revitalisation de la gare et des anciennes halles, à Sor, ou du marché, à Guet N’Dar.
En effet, à quoi bon rénover scrupuleusement des bâtiments isolés si la cohérence de l’ensemble disparait ? De son côté, M.Xavier Ricou, un autre architecte s’est prononcé sur le cas de l’île de Gorée qui, d’après lui, est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 30 ans, labellisant ainsi le caractère exceptionnel du site. Tant bien que mal, le site a été préservé depuis lors, mais cela doit plus à des circonstances endogènes —caractère insulaire, dimensions modestes, éloignement de Dakar— qu’à l’action délibérée des gardiens de ce patrimoine.
« Pourtant, depuis toujours, les projets destinés à en modifier drastiquement l’aspect n’ont pas manqué et il s’en est fallu de peu qu’elle ne ressemble à Guédiawaye, à Manhattan ou à toute autre chose », fait-il savoir.
Et de poursuivre : « le patrimoine goréen nous a donc été transmis en l’état mais, les agressions et les menaces sur son état actuel sont nombreuses et incessantes. Nous passerons en revue quelques projets auxquels l’île a échappé depuis sa première occupation, nous analyserons les principales menaces auxquelles elle doit faire face et nous mentionnerons, enfin, quelques projets futuristes susceptibles de modifier drastiquement le regard que nous lui portons ».
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