Amnesty International a publié lundi un rapport sur les conditions de vie et l’exploitation économique des enfants talibés mendiants. L’organisation pointe la responsabilité des maîtres coraniques et des dirigeants politiques, qui feraient preuve d’un manque de volonté.
Amnesty International a publié, le lundi 12 décembre, un rapport sur les conditions de vie et l’exploitation économique des enfants talibés mendiants au Sénégal. Ces élèves de l’école coranique (daara) passent le plus clair de leurs journées à mendier pour le compte de leurs maîtres et pour financer leur instruction. On en compterait entre 50 000 et 200 000 rien que dans la capitale sénégalaise. Ils rapporteraient au moins 5 milliards FCFA par an aux daaras, pour la seule région de Dakar.
Maltraitance, bastonnades, maladies…
Amnesty International s’alarme de leurs conditions de vie pitoyables. L’organisation note en particulier l’insalubrité de leur cadre d’apprentissage et le faible intérêt porté par certains maîtres coraniques à leur hygiène. On aurait ainsi de nombreux enfants talibés mendiants souffrant de graves problèmes de malnutrition et de santé. Comme les maladies de la peau, les abcès à la bouche, les infections dentaires, etc. Les enfants talibés font aussi face aux mauvais traitements de la part leurs enseignants ou de leurs assistants parfois très zélés. Parmi les punitions les plus connues figurent la mise de chaînes aux pieds et la chicotte. Malheureusement, les bastonnades débouchent souvent sur des drames. Comme en janvier 2022 avec la mort d’un talibé âgé de 10 ans. Ce petit garçon a eu le malheur de n’avoir pas sur sa leçon du jour.
De la pression des milieux conservateurs
Ces violences restent largement impunis, à cause d’un manque de contrôles et de moyens de la part des services de protection de l’enfance. Mais il y a surtout un profond respect des maîtres coraniques au sein de la très conservatrice société sénégalaise. Ces tout-puissants tenants de l’Islam local font d’ailleurs pression sur les pouvoirs publics pour faire échouer des lois ou les rendre caduques. A l’image du projet de loi portant statut du « daara » qui vise à inclure ces écoles dans le système éducatif national. Les milieux conservateurs bloquent également l’application des conventions internationales et régionales protégeant les droits des enfants.
Augmenter le budget alloué à la protection de l’enfance
Amnesty International rappelle en outre que la loi relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées, adoptée par le Sénégal en 2005, n’est pas appliquée pleinement. Ce texte punit d’un emprisonnement de 2 à 5 ans toute personne qui organise la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit. Face à ce tableau sombre, l’organisation appelle l’Etat à prendre ses responsabilités.
Aussi, fait-elle des propositions pour lutter contre les abus dont sont victimes les enfants talibés et pour renforcer la protection de l’enfance. Amnesty International plaide notamment pour le renforcement des contrôles, l’augmentation des fonds alloués à la protection des droits des enfants, qui représente actuellement moins de 1% du budget de l’État. En outre, l’association demande la modernisation des daaras, l’adoption du projet de Code de l’enfant et de la loi portant statut du « daara ».
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