Côte d’Ivoire : les déguerpissements à Abidjan redémarrent après la CAN

Photo de Joshua Oluwagbemiga sur Unsplash
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A Abidjan, les déguerpissements ont repris la semaine dernière, quelques jours après la fin de la CAN 2023. Les bulldozers du district d’Abidjan ont notamment rasé les quartiers de Yopougon Gesco et de Boribana, jetant des centaines de familles à la rue.

Aussitôt la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) terminée, le district autonome d’Abidjan a repris son opération de déguerpissements très contestée. Ses bulldozers ont détruit, le mardi 20 février, des habitations précaires, des magasins et une école dans le quartier de Yopougon-Gesco. Des dizaines de familles se sont ainsi retrouvées sans toits du jour au lendemain et près de 2000 élèves ne peuvent plus aller en classe. Aussi, de nombreux commerçants ont perdu leurs business.

Des échauffourées avec les forces de l’ordre lors des déguerpissements

Trois jours plus tard, le vendredi 23 février, les tractopelles ont réduit en un tas de gravats le quartier de Boribana situé sous le nouveau pont de Yopougon, dans la commune d’Attécoubé. Malgré la présence de la police, les habitants ont essayé d’empêcher la destruction de leurs maisons. Mais rien n’y fit. Les affrontements avec les agents des forces de l’ordre ont fait plusieurs blessés. Des routes ont été barrées et des pneus brûlés.

Sauver des vies humaines à l’approche de la saison des pluies

L’opposition des populations n’a pas empêché les machines d’enfoncer de nouvelles maisons, les unes après les autres. Le ministre-gouverneur du district autonome d’Abidjan, Cissé Bacongo, a expliqué que ces opérations de démolition ont pour but de sauver des vies humaines à l’approche de la saison des pluies. Les quartiers détruits étant situés dans des zones dangereuses, sujettes chaque année à des  inondations, des éboulements de terrains et des effondrements de bâtisses.

Pas le bon moment et pas le bon mode opératoire

Si les raisons avancées ne font l’objet d’aucune contestation, certains Abidjanais déplorent le moment choisi. Ils estiment que l’Etat pouvait attendre les grandes vacances pour permettre aux élèves d’achever l’année scolaire. D’autres regrettent le mode opératoire. Ils pensent qu’il aurait fallu une mise en demeure et une indemnisation préalable. Des responsables du district autonome d’Abidjan affirment pourtant que les habitants ont été avertis et qu’ils ont même reçu des indemnisations pour pouvoir se reloger et relancer leurs activités ailleurs.

Une initiative du district sans coordination avec les autorités municipales

Le Conseil national des Droits de l’homme a demandé l’arrêt immédiatement des déguerpissements afin de « préserver la dignité et les droits élémentaires des citoyens ». Aussi, il a critiqué une initiative du district sans coordination avec les autorités municipales. Quoiqu’issues du même parti (RHDP) au pouvoir, ces autorités n’apprécient pas l’opération en cours. Elles se sentent trahies et expliquent aux populations qu’elles ne sont pas complices de ces actes de destruction. Le maire de Yopougon, Adama Bictogo, se trouve d’ailleurs en visite à l’étranger.

Aucune disposition adéquate prise au préalable avant les déguerpissements

Au cours des rencontres avec les victimes, les personnalités de l’opposition ont également critiqué la brutalité des déguerpissements. En particulier Michel Gbabgo (député de Yopougon) et Tidjane Thiam (président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – PDCI), qui regrettent qu’« aucune disposition adéquate » n’ait été prise au préalable. Face aux critiques, le district d’Abidjan a annoncé travailler sur un plan de relogement. Pour les élèves sans classe, il est prévu une réaffections dans un établissement proche de leurs quartiers détruits.

Au total 176 sites seront détruits

Cissé Bacongo, qui a « relooké » Koumassi à marche forcée en tant que maire de cette commune, compte maintenant assainir la ville d’Abidjan en tant gouvernement du district. Ainsi, les pleurs et les protestations n’y feront rien. Il annoncé qu’il poursuivra l’opération de démolition. Au total 176 sites ont été répertoriés à Abidjan et doivent recevoir la visite des bulldozers. Au moins 77 sont considérées comme critiques. Les sites libérés appartiennent au domaine public. Ils devraient donc tôt ou tard accueillir des infrastructures publiques ou des projets privés.

Débarrasser Abidjan des pauvres ?

Sur l’espace occupé par le quartier de Boribana, par exemple, l’Etat prévoit la construction d’hôtels de luxe, de zones résidentielles et commerciales, d’un port de plaisance et d’un parc aquatique. Notons que les destructions s’inscrivent dans le cadre de la modernisation de la ville d’Abidjan. Elles visent vraisemblablement à expulser les pauvres de la capitale aujourd’hui très peuplée et insalubre. Mais cette politique devrait s’accompagner de la décentralisation pour éviter que toute la Côte d’Ivoire ne s’agglutine à Abidjan.

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