L’Algérie et le Nigeria inaugurent une nouvelle liaison aérienne directe, signe fort d’un rapprochement stratégique entre deux puissances africaines. Derrière cet aller-retour hebdomadaire entre Alger et Abuja, c’est une ambition plus vaste qui se dessine : faire de l’axe nord-sud un pilier de l’intégration continentale. Coopération économique, enjeux géopolitiques, influence régionale : la diplomatie aérienne prend de la hauteur.
Un vol pour désenclaver les corridors africains
C’est plus qu’une ligne aérienne. C’est un signal. Le lancement d’un vol direct entre Alger et Abuja par Air Algérie, avec une fréquence hebdomadaire, s’inscrit dans une logique de désenclavement des connexions intra-africaines, encore largement tributaires des routes vers l’Europe. Jusqu’à présent, rejoindre le Nigeria depuis le Maghreb relevait souvent du parcours du combattant, avec escales multiples à Istanbul, Paris ou Doha.
Ce vol, c’est donc un raccourci géopolitique, un trait d’union logistique entre le nord et le sud du Sahara. C’est aussi un geste politique. L’Algérie veut jouer un rôle pivot dans l’Afrique de demain, non seulement en tant que puissance énergétique, mais aussi comme pont entre les zones sahariennes, sahéliennes et subsahariennes.
Dans le discours officiel, l’objectif est clair : accélérer la réalisation du projet de Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en rendant les connexions plus fluides, plus autonomes. En arrière-plan, c’est une volonté de réduire la dépendance aux hubs étrangers et de favoriser une diplomatie panafricaine concrète.
Deux géants, un intérêt commun : l’autonomie continentale
L’Algérie et le Nigeria ne sont pas des pays neutres sur l’échiquier africain. L’un domine le Maghreb, l’autre l’Afrique de l’Ouest. Tous deux sont membres de l’OPEP, dotés d’importantes ressources naturelles et de fortes ambitions d’influence régionale. En se rapprochant, ils cherchent à créer une synergie entre leurs poids respectifs.
Sur le plan énergétique, c’est une convergence de longue date : le projet de gazoduc transsaharien entre le Nigeria et l’Algérie est dans les tuyaux depuis des années. Cette ligne aérienne pourrait en être le prélude logistique. Les diplomaties se rencontrent, mais les marchés aussi : hydrocarbures, agriculture, infrastructures, services.
Le vol Alger-Abuja devient ainsi un support symbolique d’un partenariat stratégique, que les deux pays souhaitent élargir à d’autres États. Abuja y voit un moyen de consolider son leadership en Afrique de l’Ouest, tandis qu’Alger entend dépasser son tropisme euro-méditerranéen pour s’ancrer dans une logique continentale.
Une diplomatie du ciel pour contrer les routes de la dépendance
Au-delà du transport de passagers, cette liaison incarne une vision : celle d’un continent capable de bâtir ses propres routes, ses propres réseaux, ses propres dépendances mutuelles. L’Algérie y joue une carte d’influence, consciente que la connectivité est aussi un levier de puissance.
Dans un contexte mondial marqué par la compétition sino-américaine, et une présence européenne parfois jugée condescendante ou néocoloniale, les pays africains cherchent à multiplier les partenariats sud-sud. Cette route aérienne en est l’expression. C’est une invitation à repenser les géographies mentales héritées de la colonisation.
Mais cette ambition ne va pas sans défis : rentabilité économique, régularité des vols, sécurité aérienne, confiance des passagers. Le succès de la ligne dépendra aussi de la capacité des deux capitales à transformer cette promesse de ciel en échanges concrets. La symbolique ne suffira pas.
Reste que le mouvement est lancé. Une route s’ouvre entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, et avec elle, l’espoir d’un continent moins fracturé, plus solidaire, plus maître de son avenir. Entre Alger et Abuja, le ciel pourrait bien dessiner une nouvelle carte du pouvoir africain.
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