Plan Mattei : Meloni veut lier aide à l’Afrique et influence italienne

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L’Italie veut freiner l’émigration africaine en soutenant le développement économique du continent. Mais les ambitions de Rome interrogent sur leur viabilité.

Une ambition stratégique : conjuguer aide au Sud et rayonnement italien

En lançant son « plan Mattei », Giorgia Meloni entend répondre à deux enjeux majeurs : endiguer l’émigration vers l’Europe et restaurer l’influence italienne en Afrique. Le dispositif, soutenu par la Commission européenne, prévoit 5,5 milliards d’euros investis dans 14 pays. À ses yeux, seule une Afrique prospère peut dissuader ses jeunes de fuir au péril de leur vie.

Le nom du plan fait référence à Enrico Mattei, fondateur de l’ENI, connu pour ses partenariats équitables avec les pays producteurs d’hydrocarbures. Rome revendique un « modèle non paternaliste » face aux anciennes puissances coloniales, notamment la France, fragilisée au Sahel. Le plan s’inscrit aussi comme une alternative aux « Nouvelles routes de la soie » chinoises.

Ursula von der Leyen a salué la signature de cinq accords représentant 1,2 milliard d’euros d’investissements conjoints. Le plan Mattei est présenté comme une contribution à la stratégie européenne Global Gateway (150 milliards d’euros). Pour Bruxelles, il s’agit de renforcer la position européenne en Afrique sans créer de rivalité entre États membres.

Infrastructures, matières premières et coopération ciblée

Les investissements les plus importants concernent l’énergie et les ressources stratégiques. L’Italie, fragilisée par la guerre en Ukraine, cherche à diversifier ses approvisionnements. L’Algérie, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal sont identifiés comme partenaires clés. Les groupes ENI, Terna ou Bonifiche Ferraresi sont déjà mobilisés sur plusieurs projets.

Au-delà des enjeux énergétiques, le plan comporte aussi un volet plus social : des projets de développement sanitaire, éducatif et hydraulique sont prévus. L’objectif affiché est de stabiliser les territoires, créer des emplois locaux et renforcer la résilience des sociétés civiles. Mais les détails restent à préciser, notamment sur les modalités de mise en œuvre.

Un des projets phares concerne une ligne ferroviaire entre la Zambie et l’Angola. Saluée par l’Union africaine comme un levier pour le commerce intra-africain, cette initiative témoigne d’un tournant dans l’approche italienne : investir dans l’infrastructure régionale plutôt que dans une logique d’extraction unilatérale. Un positionnement qui entend séduire les capitales africaines.

Entre scepticisme et espoirs : l’Afrique face aux promesses de Rome

Si les États partenaires accueillent favorablement l’initiative, les ONG et plusieurs experts doutent de la portée réelle du plan. « L’Italie n’a pas les moyens de ses ambitions », avertit Giovanni Carbone de l’ISPI. Les 5,5 milliards annoncés pèsent peu face aux besoins du continent et aux 150 milliards européens prévus par Global Gateway.

Le président kényan William Ruto, présent au sommet de Rome, a rappelé une vérité crue : les économies africaines payent cinq fois plus pour leur dette que les pays européens. L’investissement ne suffit pas, dit-il, sans réforme du système financier mondial. Giorgia Meloni a néanmoins annoncé l’annulation de 235 millions d’euros de dette convertis en projets de développement.

Certains dénoncent un plan pensé avant tout pour les grandes entreprises italiennes, notamment dans les hydrocarbures. Pour Simone Ogno (ReCommon), les intérêts industriels restent prééminents. Rome devra convaincre qu’elle agit pour le bien commun, et non pour maximiser les profits des géants de l’énergie. C’est le prix à payer pour la crédibilité du plan Mattei.

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