Tensions Érythrée–Éthiopie : Isaias Afwerki avertit contre la guerre

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Le président érythréen critique les ambitions maritimes d’Addis-Abeba et met en garde Abiy Ahmed contre une nouvelle escalade militaire dans la Corne d’Afrique.

Un avertissement frontal : l’Érythrée refuse tout compromis maritime

Dans un entretien télévisé le 19 juillet, le président érythréen Isaias Afwerki a mis en garde l’Éthiopie contre toute tentative de recours à la force pour obtenir un accès à la mer. Le chef de l’État, au pouvoir depuis 1993, a qualifié d’« irréfléchies » les velléités maritimes de son voisin éthiopien, aujourd’hui privé de façade côtière. Il accuse notamment le Premier ministre Abiy Ahmed de chercher à instrumentaliser ce dossier pour détourner l’attention des graves crises internes qui minent l’unité éthiopienne.

Afwerki ne s’est pas contenté d’un simple rappel diplomatique : il a averti que si Addis-Abeba pensait pouvoir submerger les forces érythréennes par « une attaque par vagues humaines », elle se trompait lourdement. Une référence explicite à un scénario de guerre d’agression, comme celui qui a ravagé les deux pays entre 1998 et 2000, coûtant la vie à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le ton martial traduit une nette dégradation du climat régional depuis la brève période de paix amorcée en 2018.

L’indépendance de l’Érythrée en 1993 avait scellé l’enclavement de l’Éthiopie, jusque-là tributaire du port d’Assab. Depuis, la question de l’accès à la mer reste un point de crispation majeur. La rhétorique éthiopienne récente sur la nécessité « vitale » de retrouver une sortie sur l’océan Rouge ravive de vieux contentieux territoriaux, sur fond de tensions identitaires et politiques internes.

Retour des tensions après la guerre du Tigré

De 2020 à 2022, un conflit sanglant a opposé l’armée fédérale éthiopienne aux rebelles du Tigré, avec la participation active des forces érythréennes. Selon l’Union africaine, le conflit aurait causé la mort d’au moins 600 000 personnes. Un accord de paix signé en novembre 2022 a mis un terme officiel aux hostilités, mais les troupes érythréennes sont restéesdéployées dans le nord de l’Éthiopie, alimentant une défiance persistante à l’égard d’Asmara.

L’accord de paix signé en 2018 entre Abiy Ahmed et Isaias Afwerki, salué alors comme historique, n’a pas résisté aux soubresauts de la guerre du Tigré. Depuis la fin de ce conflit, les relations se sont de nouveau détériorées. Addis-Abeba est accusée de lorgner sur le port stratégique d’Assab, tandis qu’Asmara reconstruit discrètement son appareil militaire.

Dans cette région hautement stratégique de la Corne de l’Afrique, toute détérioration des relations bilatérales pourrait rallumer les feux d’un conflit régional aux répercussions étendues. D’autant que l’implication passée des forces érythréennes en Somalie et les allégations de soutien aux groupes djihadistes ont déjà valu à l’Érythrée un long embargo onusien, levé seulement en 2018.

Une Érythrée isolée mais toujours influente

Souvent qualifiée de « Corée du Nord de l’Afrique », l’Érythrée reste l’un des régimes les plus fermés et les plus autoritaires du continent. Le pays n’a jamais organisé de recensement national, ses élections sont inexistantes, et les libertés fondamentales sont drastiquement limitées. Selon Reporters sans frontières, l’Érythrée se classe 180e sur 180pour la liberté de la presse en 2025.

Selon l’ONG américaine The Sentry, Asmara profiterait de la levée de l’embargo sur les armes pour reconstruire activement son armée et continuer de déstabiliser ses voisins. Des accusations que les autorités érythréennes qualifient de « pures fabrications », dénonçant une campagne de dénigrement orchestrée depuis l’étranger. Mais la réalité du terrain semble confirmer un retour en force des capacités militaires du pays.

Malgré son isolement, l’Érythrée parvient à influer sur les dynamiques régionales, en jouant de son positionnement stratégique sur la mer Rouge et de ses alliances opportunistes, notamment avec la Russie ou les Émirats arabes unis. Le regain d’intérêt de l’Éthiopie pour un débouché maritime ne fait que renforcer la centralité d’Asmara dans les équilibres de la Corne de l’Afrique.

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