Présidentielle : Soro en Côte d’Ivoire comme Macron en France ?

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Le premier est le grand-frère du second de cinq ans. Mais ils ont un dénominateur commun : ils sont jeunes. Et ils font tout, jeunes. L’un a accès à son premier poste ministériel à 35 ans, l’autre, c’est à 37 ans. Le premier se nomme Guillaume Kigbafori Soro et le second, Emmanuel Macron. Le deuxième a accédé à la magistrature suprême, le premier vient d’en exprimer l’intention à Valences.

Certes, le parcours originel est différent. Celui qu’on surnommait le « Che » ou « Boghota » n’a pas connu les couloirs feutrés et austères de l’ENA française. Tout comme Emmanuel Macron n’a pas subi les dures réalités de l’exil de Ouagadougou, le staccato des armes qui crépitent au poing des rebelles dans les forêts ivoiriennes.

Ressemblances, dissemblances

Pour accéder au pouvoir, le natif d’Amiens n’a pas dû user de ruses, esquiver plusieurs tentatives d’assassinat (le Fookker  100 calciné par une roquette en juin 2007 reste vif dans la mémoire de Soro) et subir non plus la traversée de galère que vit actuellement celui qui a poussé ses premiers cris dans les douces rosées de Kofiplé.

Néanmoins, leur cheminement a quelques traits communs. D’abord, ils se sont affranchis d’un mentor. Emmanuel Macron a été accueilli dans l’équipe de François Hollande, qui l’a ensuite nommé ministre de l’économie. Pour ensuite trois ans plus tard démissionner avec fracas pour se mettre « En marche » et victorieusement vers l’Elysée.

Guillaume Soro a aussi eu un premier mentor. Laurent Gbagbo. Un mentor au forceps, certes. Mais il a été son Premier ministre, imposé par l’accord politique de Ouagadougou. Un président qu’il désavouera en 2011 pour ensuite passer dans le camp d’Alassane Ouattara. Celui-ci le prendra sous son aile et le propulsera au  second rôle étatique, comme président de l’Assemblée nationale, jusqu’en 2019 où des désaccords entre eux sur la question du Rassemblement des houphouëtistes le contraindront à quitter le perchoir.

Comme Emmanuel Macron face à François Hollande, Guillaume Soro va donc se présenter comme candidat à la présidentielle face à Alassane Ouattara ou à celui de son camp qu’il aura désigné pour le remplacer.

Fantômes du passé

Mais quelles sont les chances de l’ancien secrétaire général des Forces nouvelles ? Le climat politique ivoirien est différent de celui de la france. En France, l’égalité des chances entre candidats est relativement acceptable. En Côte d’Ivoire, le pouvoir est à la manœuvre pour lui couper l’herbe sous les pieds. Depuis plusieurs mois, Soro gravite comme un satellite autour de la Côte d’Ivoire où il a peur de mettre les pieds. Sa candidature a été déclarée hors de son pays, loin de ses compatriotes, dans un état de semi-exilé.  

Il faut ajouter le fait qu’Alassane Ouattara doit garder par devers lui des fantômes de Soro qu’il pourrait lâcher pour le nuire. Il y a par exemple cette affaire de supposées écoutes téléphoniques entre l’ancien chef rebelle et Djibrill Bassolé, condamné pour complicité dans le putsch de septembre 2015 au Burkina, et pour laquelle un mandat d’arrêt a été émis contre Guillaume Soro par la justice burkinabè. Et on passe sous silence des actes qui auraient pu être commis de par le passé sous la coupe de l’ancien patron des forces rebelles, mais qui ont été cachés sous les pavés de la relation politique.

ADO et la machine du RHDP étatique

Ensuite, les raisons de la scission d’avec les mentors sont certes pratiquement idéologiques et de perspectives, mais en Côte d’Ivoire, le départ de Soro est plus perçu comme la frustration de ne pas avoir été choisi comme dauphin d’Alassane Ouattara à la présidence, après tout ce qu’il a fait pour permettre à l’économiste d’être assis au faîte de l’Eburnie.

En outre,  la machine du RHDP reste redoutable et a l’avantage d’être solidement implantée dans tout le pays. Elle est gorgée par les soupapes financières du pouvoir. La politique en Afrique ne marche pas comme en France. Si là-bas, les électeurs peuvent suivre un candidat qui n’a relativement pas les sous, ici, il faut réellement avoir les moyens de sa politique. Nul doute que Soro en a. Mais Ouattara a la caisse de l’Etat à sa disposition.

Enfin, Guillaume Soro n’est pas seul dans l’arène. Il lui faut compter Laurent Gbagbo, qui n’a pas encore dit son dernier mot à la CPI, et Henri Konan Bédié qui peut toujours mordre malgré ses apparences de vieux lion.  

Porté dans le cœur d’une certaine jeunesse ivoirienne qui trouve en lui un repère et une popularité qui va grandissante, amplifiée par le sentiment d’injustice et d’opprimé qu’il fait gonfler autour de sa personne, Guillaume Kigbafori Soro peut réussir l’exploit comme un certain Emmanuel Macron. Il lui faudra toutefois s’armer d’un courage à toute épreuve et exploiter au summum cette dextérité dans l’art de faire la politique qui l’a envoyé jusqu’au stade actuel.

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Abdoulaye TRAORE
Correspondant Africtelegraph au Burkina.

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