Les adieux de Boni Yayi aux diplomates ont livré une séquence d’aveux et de remords vite éclipsée par les sonorités de fin de règne et les échos du début d’une nouvelle ère. Le président en fin de mandat n’a décidément pas voulu quitter la Marina avec des sciures électorales sur la conscience. Et il s’est débarrassé d’un fardeau moral. Yayi a mis sur le compte des intrigues politiques toutes ses déclarations lors de la campagne électorale. Talonné par l’œil de la conscience, le futur ex-président verse dans un mea culpa plutôt surprenant mais pédagogique. Après des joutes bouillantes, Yayi se refroidit tout seul dans le couloir qui débouche inévitablement sur la porte de sortie.
La fin est évidemment proche et du tréfonds du chef, s’éclatent les confessions, les remords et la quête de la rédemption. En campagne électorale pour son poulain Lionel Zinsou, premier ministre candidat, Yayi avait pavé ses envolées de formules acides. Désormais obligé de fondre dans le remords, il a définitivement pris la mesure de l’ampleur des dégâts causés par son discours trop musclé et excessif. Le président avait franchi le Rubicon. Inutile de lui prêcher la pénitence. La torture du remords est déjà si cruelle.
Terrible leçon pour Yayi. Beaucoup avaient oublié qu’il y aura l’après élection et qu’ils seront rattrapés par les phrases assassines éructées dans l’emballement politique et l’obsession du pouvoir. Certes, la présidentielle est une compétition et tous les coups semblent permis, mais on devrait savoir s’arrêter et se fixer une ligne rouge. Beaucoup avaient manqué d’humilité et se sont enlisés dans le discours subversif. Il y eut des injures, de la provocation, des imprécations, la mauvaise foi… Hélas, le Chef de l’Etat ne s’était pas mis au dessus de la mêlée, montant lui aussi sur le ring, surchauffant l’atmosphère, désignant les coupables de la République. Peut-être déchiré par la phobie de perdre l’élection et la peur de la finitude, sous le poids d’un règne crépusculaire, Yayi n’a pu arrêter le flot tempétueux mouvant son corps et son esprit.
Le remords doit servir de leçon aux camps rivaux, chantres de la rupture et partisans de la continuité. La conquête politique ne peut se faire au prix d’une fragilisation de la cohésion nationale, de la mise en péril de la paix, de la fracture religieuse et de la promotion du régionalisme. On a frôlé le pire avec le déchainement des passions et la campagne impudique menée tambour battant par ceux qui devraient faire preuve de caractère.
Dans la posture de repenti, Yayi joue une ultime carte vertueuse avec la culpabilité comme remède à cette morsure de la parole ravageuse. Face à l’expérience, j’espère, féconde du remords, à quelques jours de la passation historique de pouvoir, Yayi ne devrait pas être ce crocodile dont parle Florian dans les Fables, qui happe un des deux enfants sur la rive du Nil et qui pleure de regrets d’avoir manqué l’autre. A l’image du roi, quelques agités de la Cour et des affidés opportunistes et autres politiciens de tous bords avaient pourri la campagne électorale.
Pour la postérité, ce remords affiché puis proclamé devrait avoir son impact. Dans la fièvre de la rupture et notamment du Nouveau départ, le geste de Yayi, le sentiment d’avoir commis une faute, est dans l’air du temps. Mercredi 6 avril, on tournera définitivement la page Yayi. Seulement mercredi. Dans moins de 24 heures. Inéluctablement.
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