Afrique – France : Comment Macron meprise les mères africaines

Emmanuel MacronEmmanuel Macron
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En qualifiant le défi de l’Afrique de « civilisationnel » et en accusant les femmes africaines d’être à l’origine du sous- développement de l’Afrique, Emmanuel Macron  réactualise dans un contexte d’afro-optimisme le discours paternaliste, infantilisant, méprisant de l’élite masculine bourgeoise hétérosexuelle occidentale à l’égard des sociétés dites « sauvages », « inférieures » depuis le 16ème siècle.

Siècle au fondement de la modernité occidentale, mais qui pour les peuples d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Asie, marque le début d’une histoire marquée par l’exploitation, l’extermination, l’esclavage, le colonialisme. Dès lors, parler des problèmes civilisationnels et faire des femmes un bouc émissaire de la pauvreté en Afrique cache simplement la volonté de Macron, lui qui n’a jamais eu d’enfant biologique jusque-là, de rendre invisible toutes les structures d’oppression du capitalisme occidental dont l’esclavage des noirs et l’extermination des indiens constituent les piliers de son développement.

Macron n’a pas inventé le problème civilisationnel chez les sociétés africaines. C’est cette ambition de sortir les africains de la barbarie, de la sauvagerie, de transmettre la modernité, d’annihiler les cultures sauvages qui a justifié d’abord l’esclavage, puis la colonisation.

Rudyard Kippling parlait du « fardeau de l’homme blanc » pour justifier la colonisation. La civilisation dont le président français fait allusion c’est cette appropriation des valeurs occidentales, du mode de vie, d’organisation de l’Etat, de la société, du rapport aux femmes. Elle est au cœur du projet impérial de l’occident. Il s’agit dès lors d’un projet hégémonique permanent au sein de l’élite occidentale d’exporter sa représentation du monde et du progrès aux autres peuples. Au cœur de cette quête hégémonique masquée par ce qu’ils appellent « civilisation » figurent deux facteurs : la race et la femme.

Quand ils parlent de l’Afrique, c’est toujours sous un discours englobant. L’Afrique est perçue comme un tout. Un continent uniforme, peuplé de personnes ayant la même couleur de peau, les mêmes traditions. La même histoire ou encore le même niveau de développement économique.

Pourtant, il y a une Afrique blanche et une Afrique noire. Il s’agit d’un continent qui a fait face à plusieurs formes de colonisation et dont le développement économique s’effectue à plusieurs vitesses. Le Nigéria, l’Afrique du Sud et le Kenya, n’ont pas les mêmes problèmes que la Libye, la Mauritanie ou le Sud-Soudan.

Cette vision cache en fait la persistance dans les imaginaires en occident des préjugés ayant fondés l’esclavage des africains, puis leur colonisation. L’invention de la race par les occidentaux visait d’abord à créer et construire la différence des européens à l’égard d’autres peuples. Une étape qui leur permettait de légitimer le discours moralisateur et le projet civilisationnel à l’échelle planétaire.

Si Emmanuel Macron ne saurait être taxé de raciste, il demeure qu’il reste le produit d’une société dont le progrès économique et social s’est construit sur l’invention des catégories raciales. L’esclavage des noirs, qui est au fondement du capitalisme a constitué le moment historique de l’institutionnalisation du racisme, de la subalternisation des noirs et par ricochet leur infantilisation.

Le noir reste dans les imaginaires quelque chose d’exotique, à explorer, un petit enfant dont on doit toujours prendre soin. Le discours de Macron sur l’Afrique n’est rien d’autre qu’une publicisation de l’idéologie bourgeoise occidentale sur l’Afrique. Mais cette idéologie n’a pu se matérialiser, survivre parce que la sexualité et principalement l’exclusion des femmes a toujours constitué sa matrice.

En stigmatisant le ventre des femmes comme étant l’un des problèmes de l’Afrique, Macron ressuscite la place de la femme noire dans l’expansion du capitalisme. Pendant la traite négrière les femmes noires souffraient d’une triple oppression. Celle des hommes blancs, celle des femmes blanches et celle des hommes noirs. Elles se situaient dès lors au bas de la hiérarchie sociale. Cette mécanique de l’oppression s’est poursuivie pendant la période coloniale. Depuis les indépendances, les droits acquis par les femmes en Afrique n’ont pas bouleversé leur infériorité sociale.

Dès lors, le contrôle du ventre des femmes noires doit être vu comme un projet profondément ancré dans une dynamique de conservation de l’influence occidentale et de l’oppression des sociétés africaines. Depuis le 16ème siècle, le ventre des femmes africaines a constitué un atout pour l’élite bourgeoise occidentale. La reproduction, au cœur de l’idéologie hétérosexuelle, fournissait la main d’œuvre nécessaire pour développer les plantations ou travailler dans les mines pendant l’esclavage ou la colonisation.

Mais aujourd’hui, le ventre des femmes noires n’appartient plus aux hommes blancs, mais aux hommes noirs. Macron a pleinement conscience que l’Afrique est sous peuplé. Que les délocalisations des entreprises occidentales, qui génèrent le chômage en Europe sont en partie liées à la présence d’une main d’œuvre suffisante et moins cher. Le contrôle de la démographie d’une population est un enjeu déterminant dans la construction de l’hégémonie.

Les femmes africaines sont dès lors un enjeu majeur pour ceux qui veulent maintenir ce continent dans leur giron. Elles retrouvent à cet effet le rôle clé qu’elle a toujours joué dans l’exploitation, de la marginalisation et de l’exclusion des noirs.

Rendre les femmes africaines responsables de la pauvreté en Afrique traduit en réalité le mépris historique dont elle a toujours été l’objet depuis l’esclavage, mais également constitue une tentative de rendre invisible des structures de l’oppression capitaliste perpétuées par l’élite bourgeoise occidentale en complicité avec les nouvelles élites noires.

Sur cette base, Emmanuel Macron ne fait qu’accomplir ce pourquoi il a récemment été élu par le peuple français, dont l’histoire est liée à celle de l’esclavage et la colonisation : conserver la domination de la France sur un continent dont les indicateurs économiques, les transformations sociales, le facteur démographique permettent de penser que son retour dans l’humanité est pour bientôt. Africains, continuez simplement à travailler.

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Destin Mballa
Destin Mballa, journaliste camerounais.

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