Le juriste Dominique Oyone Ze, actuel secrétaire général de l’association Jurisport, une association régie par la loi 35 /62 sur les associations et qui a pour rôle essentiel d’aider les sportifs et les associations sportives dans le domaine juridique, a fait cette déclaration dans un entretien exclusif.
Il explique les raisons qui empêchent le Dr Nicole Christiane Assele, ministre gabonais des sports, de contraindre le président de la Fédération gabonaise de cyclisme (FEGACY), Maurice Nazaire Embinga, à démissionner après le refus des coureurs gabonais de participer à la Tropicale Amissa Bongo.
Afric Telegraph : Quelles sont les relations qui lient un ministère de la Jeunesse et des sports et une fédération sur le plan juridique ?
Dominique Oyone Ze : Le ministère de la Jeunesse et des sports, oriente, contrôle l’activité de tous les groupements sportifs ayant comme but la pratique du sport. Une fédération étant un groupement sportif, elle est chapeautée par le ministère des sports.
Afric Telegraph : Est-ce la même relation qui lie le ministère de la Jeunesse et des sports et l’Union cycliste internationale (UCI) ?
Dominique Oyone Ze : Dans la hiérarchie, il y a la fédération gabonaise de cyclisme. Au-dessus de tout cela, il y a la Confédération africaine de cyclisme (CAC) et au-dessus l’Union cycliste internationale.
Afric Telegraph : Est-ce que selon le droit du sport, un ministre de la Jeunesse et des sports peut obliger un président élu d’une fédération à démissionner ?
Dominique Oyone Ze : Quel que soit les conditions, ce n’est pas possible. J’ai oublié de dire tout à l’heure que dans la configuration des hiérarchies, le comité international olympique (CIO), qui a dressé la charte olympique, est au-dessus des Confédérations continentales. L’UCI, le CIO, la CAC, sont des organes qui interdisent l’immixtion du politique dans la gestion des fédérations sportives.
Afric Telegraph : Cela veut-il dire qu’un ministre des sports ne peut pas suspendre, démettre ou contraindre à la démission un président d’une fédération gabonaise qui a été élue ?
Dominique Oyone Ze : Absolument pas.
Afric Telegraph : Est-ce que le respect pour l’autorité que représente un ministre de la République, ne peut pousser le président actuel de la fédération gabonaise de cyclisme (FEGACY) à donner sa démission ?
Dominique Oyone Ze : Non, le principe veut que le président de la fédération soit élu par les ligues et les associations affiliées. Il n’y a que ces organes qui peuvent démettre le président. Si le président de la fédération ne démissionne pas, il n’y a que ces organes qui peuvent demander la démission du président au cours d’une assemblée générale ou d’un congrès de la fédération en conformité avec les statuts de la FEGACY.
Afric Telegraph : Le ministère ne peut-il pas contraindre les ligues et associations de la FEGACY à convoquer une assemblée générale extraordinaire qui va ensuite déposer le président ?
Dominique Oyone Ze : Non, le ministère ne peut pas le faire. Mais, il y a des raisons statutaires, et des motivations qui peuvent amener les associations, les ligues et les clubs à convoquer une assemblée générale extraordinaire. Ce sont les 2/3 des membres du collège électoral qui convoquent une assemblée générale extraordinaire. Et la destitution du président sortant ne peut se prononcer qu’au cours d’une assemblée générale extraordinaire par le refus du quitus.
Afric Telegraph : Dans un bras de fer entre une fédération sportive comme la FEGACY et un ministère des sports, qui peut être le grand perdant ?
Dominique Oyone Ze : J’ai bien peur que si la tutelle insiste et que la fédération gabonaise de cyclisme saisisse les instances comme la confédération africaine de cyclisme et l’union cycliste internationale, le Gabon va être suspendu. Etant donné que les compétitions appartiennent à ces organes-là, elles vont dire vous avez démis le président de la FEGACY. Nous, on suspend le Gabon de nos activités. Vous n’allez plus prendre part à nos activités.
Afric Telegraph : L’autorité du ministre a été mise à mal. Ce cas d’insubordination pourrait faire école. Est-ce que le ministre des sports ne dispose pas d’autres moyens coercitifs pour contraire le président de la FEGACY à démissionner et retourner finalement la situation en sa faveur ?
Dominique Oyone Ze : Bien entendu, le ministre en a les moyens. Le ministre, comme je le disais tantôt, peut inspirer l’assemblée générale extraordinaire auprès des associations, ligues et clubs affiliés à la FEGACY.
Afric Telegraph : Thomas Franck Eya’a, l’ancien président de la FEGACY avait été démis de ses fonctions il y a quelques années. Le ministre de l’époque n’a-t-il pas eu raison de lui ?
Dominique Oyone Ze : Thomas Franck Eya’a s’est retrouvé dans la même situation que Maurice Nazaire Embinga aujourd’hui. Le ministre de la Jeunesse et des sports de l’époque, avait mis sa fédération sous tutelle. Thomas Franck Eya’a a recouru au conseil d’Etat qui lui a donné raison. Mais la décision du conseil d’Etat n’a jamais été appliquée.
Afric Telegraph : Pouvez-vous nous présenter brièvement l’association Jurisport ?
Dominique Oyone Ze : Ce sont uniquement les juristes du sport qui animent cette association. Jurisport existe depuis une dizaine d’années, c’est vrai qu’on ne nous voit pas souvent. Nous étions membre de la Fédération gabonaise de football. Mais après la modification des textes, nous n’en sommes plus membres, mais nous continuons à aider toutes les personnes qui sollicitent notre expertise. En ce moment, nous travaillons beaucoup plus pour les sportifs qui viennent nous consulter.