Le gouvernement poursuit la mise en œuvre de la libéralisation du secteur des télécommunications en lançant des appels publics à candidatures pour l’attribution des licences de fournisseurs d’accès internet (FAI) et d’opérateurs mobiles virtuels (MVNO).
Ces appels d’offres, sans objectifs bien définis, aux conditions et procédures d’attributions des licences très floues, ont été lancés dans la plus grande discrétion par le Gouvernement du Sénégal.
En effet, aucun débat avec les citoyens, les organisations de la société civile, les spécialistes du secteur encore moins avec le patronat sur les enjeux et les opportunités de l’ouverture du marché à de nouveaux acteurs. Pourtant, une démarche inclusive et itérative dans ce sens aurait été positive pour promouvoir l’entrée des sociétés sénégalaises dans le secteur.
L’opérationnalisation de l’entrée de nouveaux acteurs dans le marché demande d’abord une volonté politique forte, soutenue par une vision de l’intérêt général, ensuite du temps, beaucoup de concertation avec tous les acteurs et s’inscrire dans une vision à long terme car l’enjeu est de taille.
Il s’agit de créer un environnement concurrentiel qui attire des investissements massifs pour booster la croissance, créer des emplois, améliorer les services, baisser les tarifs pour faire du secteur des télécommunications, un véritable levier de développement pour une société numérique qui vise l’épanouissement du citoyen sénégalais. Ce sont les vrais objectifs; la libéralisation du marché n’étant qu’un moyen de les atteindre.
Pour rappel, en date du 7 mars 2013, le Chef de l’Etat, Macky Sall, avait demandé au Gouvernement de prendre toutes les dispositions pratiques, notamment la préparation d’un cahier de charges, en vue de l’arrivée d’un 4ème opérateur sur le marché de téléphonie. Cette décision n’a connue aucune suite.
Aujourd’hui, le gouvernement a décidé de l’entrée dans le marché de MVNO et de FAI, sans qu’on ne sache sur quel document d’analyse du marché est fondée cette décision parmi tous les leviers de régulation dont il dispose. Pour rappel, le dernier rapport annuel sur le secteur des télécommunications de l’Autorité de Régulation (ARTP) date de 2011, donc depuis 2012, aucun rapport annuel n’a été publié par l’ARTP.
Beaucoup de décisions ont été prises par le Gouvernement depuis 2012, avec les résultats négatifs que l’on sait sur le développement du secteur. Aussi, malgré les discours de circonstance, le Gouvernement du Sénégal, dans toutes ses décisions,¬ ne vise en réalité que trois (3) objectifs : Donner des assurances aux bailleurs de fonds qu’il est en train de se conformer à leurs recommandations de libéralisation du secteur en vue d’obtenir des financements ; Il fallait Consolider et pérenniser le quasi-monopole de la Sonatel pour préserver ses intérêts financiers liés à sa participation au capital de cette société ; Engranger le maximum de ressources financières de la vente des licences et des ressources rares.
En somme, le Gouvernement du Sénégal, n’a qu’un seul objectif ¬: obtenir des ressources financières. Hier comme aujourd’hui, le secteur lourdement fiscalisé, est considéré comme une vache à lait. A ce titre, la Sonatel constitue une société indispensable.
En effet, en plus des redevances annuelles, des impôts et taxes, le Gouvernement du Sénégal au titre des dividendes sur les exercices 2015 et 2016 a reçu environ 117 milliards de FCFA de la Sonatel. Et, en moyenne, le Gouvernement du Sénégal perçoit pas moins de 250 Milliards par an de la Sonatel.
Ce pactole constitue une ressource vitale pour le Gouvernement du Sénégal; c’est pourquoi La Sonatel dans sa communication de lobbying capitalise cette situation en rappelant à toutes les occasions les centaines de milliards qu’elle verse au Gouvernement mais aussi sa présence dans son capital. Aussi, tant que l’état du Sénégal restera actionnaire de la Sonatel, il privilégiera ses intérêts financiers au détriment de l’intérêt général. Ainsi, les stratégies et décisions publiques sont alignées sur les objectifs de la Sonatel ¬car les avantages retirés par la sphère publique de sa participation au capital de la Sonatel l’emportent sur les inconvénients pour la stratégie de développement du secteur.
Comment pouvez-vous définir une stratégie de développement du secteur au profit de l’intérêt général quand, vous n’arrêtez pas de penser à vos intérêts particuliers dans le secteur: les dividendes?
La présence de l’Etat ¬du Sénégal dans le capital de la Sonatel apparaît ainsi comme un obstacle majeur au développement de l’industrie des télécommunications au Sénégal. A l’évidence, ce gouvernement, toujours entre deux marchés financiers pour lever des fonds, concilier des objectifs nombreux, prioritaires et parfois contradictoires est problématique. Il exerce en effet en même temps les rôles d’actionnaire, de porteur des politiques publiques, de gestionnaire des finances publiques, de régulateur, et de client.
En conséquence, il est temps que le Gouvernement du Sénégal choisisse de n’exercer que les attributions liées à la définition du cadre juridique, des stratégies, de la régulation et se retire du capital de la Sonatel mettant ainsi fin à sa dépendance financière de cette société.
Enfin, le Gouvernement du Sénégal, en décidant de poursuivre la libéralisation du secteur des télécommunications qui a pour objectif essentiel le développement d’une concurrence saine et loyale, n’a plus rien à faire dans le capital de la Sonatel. On ne peut pas être juge et partie.