Dans cette période de crise économique et sociale que vit le Sénégal, nous observons une recrudescence de la haine et de son expression, violences physiques et verbales.
Une montée en puissance de la haine qui n’épargne personne et se reflète dans les activités quotidiennes des citoyens et ainsi sur Internet et ses réseaux sociaux qui deviennent de jour en jour nos outils d’expression.
Par son caractère viral, immédiat et international, Internet et ses réseaux sociaux seraient donc un amplificateur sans précédent du discours de haine ou des diffamations qui avant, atteignaient difficilement, la sphère publique. Ainsi, Internet est considéré par une partie de l’opinion comme un espace dangereux pour la paix sociale. Dès lors, la question est posée de savoir quelle solution apportée contre les discours discourtois et racistes.
Dès le déclenchement de ces dérives et propos inacceptables, la réponse des autorités a été la répression, confortée par une opinion qui a vivement exprimé son indignation. La persistance du discours haineux, malgré les poursuites pénales, prouve qu’il faut rompre avec l’idée selon laquelle les stratégies pénales contre les pourvoyeurs de l’intolérance sont une solution efficace.
Mais, le gouvernement reste toujours enfermé dans la logique du contrôle et de la répression. Ainsi, le code de la presse contient des dispositions qui imposent des missions de police et de justice aux acteurs privés que sont les fournisseurs d’accès internet et les hébergeurs en ses articles 175, 176. A cela, il faut aussi ajouter le nouveau projet de code des télécoms qui va aussi dans le sens d’une censure extra-judiciaire d’Internet et des OTT. Création de la censure privée dans ce pays, le gouvernement du Sénégal, par ces initiatives chercherait à denier aux citoyens le bénéfice d’être jugés par un magistrat.
Face à la privatisation de la justice, régime d’exception de censure privée qui se met progressivement en place au Sénégal pour réguler la liberté d’expression sur Internet et les réseaux sociaux, Il est temps, de réaffirmer avec force, le rôle du juge dans la répression des abus de la liberté d’expression mais aussi de poser lucidement la question des responsabilités dans la montée en puissance de la haine dans ce pays.
Poser la question des responsabilités doit nous amener, non seulement à une introspection sociétale profonde sur les causes qui mènent les citoyens à s’injurier sur Internet, mais aussi à nous interroger sur les moyens mis en œuvre dans la lutte contre les dérives, et notamment sur le recours fréquent et exclusif au droit pénal.
De même, n’est-il pas trop commode d’accuser Internet et les réseaux sociaux alors que les discours dégradants, insultants et racistes sont, non seulement relayés et popularisés par les médias de masse, mais aussi bien souvent entretenus et montés en épingle à des fins mercantiles ?
Les actions pénales menées pour endiguer la haine sur internet et les réseaux sociaux ont eu un effet limité face à ce phénomène complexe. En effet, l’approche actuelle qui consiste à privilégier une régulation du phénomène en concentrant les moyens sur le droit, s’avère insuffisante. Aussi, plutôt que de se concentrer uniquement sur une approche répressive, de nouvelles pistes doivent être définies pour désamorcer les discours de haine sur Internet et ses plateformes et recréer le dialogue, afin de ne pas verser dans l’escalade de la violence, du contrôle et de la répression. Toutefois, le recours au droit est légitime et nécessaire.
Il serait préférable de privilégier une démarche collaborative, en s’appuyant sur une approche de type multi-acteurs dans la lutte contre la haine sur Internet et les réseaux sociaux : les citoyens, le système éducatif, la société civile, les medias, les universitaires.
Au-delà donc des arrestations policières et des injonctions juridiques, la réponse au phénomène de diffusion de la haine sur Internet et des réseaux sociaux devrait s’organiser principalement autour des acteurs majeurs ci-dessus.