Souvent sollicités lors des joutes électorales présidentielles en Afrique, et bien que relativement bien accueillis, les observateurs internationaux voient leurs missions de plus en plus contestées face à la rigueur des juges constitutionnels. Levée d’un coin de voile.
On l’a récemment vu au Kenya et pas plus tard qu’il y a un an au Gabon, en Gambie et sous d’autres cieux encore : au lieu d’être une fête pour célébrer la démocratie, les élections présidentielles en Afrique sont souvent sujets à palabres au vu des différents contentieux et d’autres altercations qu’elles génèrent ici et là.
Raison pour laquelle, pour tenter de réduire les contestations postélectorales et garantir un tant soit peu la transparence des opérations de vote tant souhaitée, l’on en vient à faire recours à des instances estampillées « observateurs électoraux » agissant sous la bannière de la communauté dite internationale.
Observateurs : un rôle qui fait débat
Si les usages ou le principe d’avoir recours aux observateurs neutres ne semblent pas formellement poser problème pour les Africains à l’occasion des confrontations présidentielles, il n’en demeure pas moins qu’au niveau du rôle qu’ils ont à jouer sur le terrain, il y a matière à débat et beaucoup de zones d’ombre et d’amalgames restent à balayer.
Comme cas d’illustration de ce débat, nous nous attarderons sur le Gabon et le Kenya, deux cas de figure emblématiques et diamétralement opposés qui mettent en lumière la triste réalité selon laquelle le rôle des observateurs n’est pas exempt de tout reproche.
Dans le cas du Gabon, selon le prisme qui est le leur, les observateurs de l’Union européenne venus dans le cadre de l’élection présidentielle de 2016, ont soutenu que les élections se sont mal déroulées. Tout s’est mal passé. Ils ont dénoncé des fraudes massives. Et pourtant, dans leur rapport, ils disent n’avoir observé que 10% de bureaux de vote, soit 262 bureaux de vote sur les 2580 bureaux de vote disséminés sur l’ensemble du pays.
La Cour constitutionnelle, saisie par l’opposant Jean Ping, a, après avoir examiné tous les recours et vidé le contentieux électoral, validé l’élection du président Ali Bongo Ondimba.
Battant du coup en brèche l’avis des observateurs de l’Union européenne qui ont dénoncé des anomalies. La suite tout le monde la connait.
Tout le contraire au Kenya où les observateurs de l’Union européenne venus également pour l’élection présidentielle de 2017 se sont inscrits dans un schéma inverse en plébiscitant haut et fort que la transparence et la régularité étaient de mise lors des opérations électorales.
Pour eux, tout s’était bien passé. Ils n’ont pas relevé d’anomalies profondes de nature à entamer la sincérité du vote. Ils étaient encore sur place et ils ont applaudi quand la commission électorale a publié les résultats.
Mais après, coup de tonnerre ! La Cour suprême, saisie par l’opposant Raïla Odinga, a dit le contraire. Elle a invalidé l’élection du président Uhuru Kenyatta.
Juges et acteurs : deux prismes d’une même réalité
L’histoire retiendra qu’au Gabon, les observateurs de l’UE ont dit que l’élection s’est mal déroulée, et la Cour constitutionnelle l’a validée. Au Kenya, les observateurs de l’Union européenne ont dit que l’élection s’est bien déroulée, et la Cour suprême l’a invalidée.
Deux feuilletons qui donnent matière à s’interroger sur le rôle de différents intervenants et acteurs dans un processus électoral à savoir les observateurs, les juges ou les commissions électorales.
Comme l’on peut s’en convaincre, un observateur est là pour observer, relever certains faits et gestes qui concourent à la régularité du processus plus dans la forme : ouverture des bureaux, ambiance générale, sécurité des sites, transparence, présence ou absence des témoins…etc. Il ne participe pas et ne fait pas figure d’acteur, tout comme il n’a pas qualité de juger. Il n’est pas actif, mais plutôt passif. Son rôle reste purement consultatif et se réduit à un simple avis non contraignant et sans aucun caractère juridique.
Au Gabon, les observateurs de l’UE n’ont auditionné ni Ali Bongo Ondimba, ni Jean Ping, ni un autre candidat par ailleurs, ne fut-ce par leurs conseils interposés. Leur présence non plus n’a pas été autorisée et ne peut l’être lors des délibérations à huit clos de la Haute Cour.
Pareil au Kenya où ils n’ont auditionné aucun candidat. Ils ont donc plutôt un rôle de l’ombre.
Le juge par contre est actif. Il juge au regard du dossier. Il reçoit, analyse et examine les requêtes. Il auditionne les parties et autres personnes impliquées. Il dit le droit en conformité avec la loi électorale. Après délibération au 2/3 de ses membres, il dégage une décision qu’il argumente et qu’il présente au cours d’une audience publique.
Dans sa religion, un juge ne se laisse pas influencer par les avis ou le regard des observateurs ou des tiers. Son travail ne se base que sur des faits et des preuves pour rendre sa décision.
Haro donc aux déclarations et avis intempestifs des missions d’observation électorale qui ne visent qu’à mettre le feu aux poudres autant qu’ils outrepassent les limites de leur mandat. La vérité d’une élection présidentielle se trouve ailleurs, entre les mains des juges constitutionnels dont le rôle en la matière ne doit souffrir d’aucune contestation.