Hajj 2025 : l’Arabie saoudite à l’épreuve du pèlerinage de masse

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Face à l’arrivée de millions de fidèles, le royaume déploie un dispositif logistique, sécuritaire et technologique sans précédent pour assurer un pèlerinage fluide et sécurisé.

Le Hajj 2025 : un défi logistique et sanitaire à grande échelle

Après plusieurs années de restrictions liées à la pandémie de Covid-19, le Hajj 2025 s’annonce comme l’un des plus importants de la décennie. Des millions de fidèles sont attendus à La Mecque, notamment en provenance d’Afrique du Nord, d’Asie du Sud et d’Indonésie. Cette affluence marque le plein rétablissement du flux traditionnel de pèlerins et illustre l’importance que conserve le cinquième pilier de l’islam dans le monde musulman contemporain. L’Arabie saoudite, qui avait drastiquement limité les capacités d’accueil en 2020 et 2021, doit désormais répondre à une double attente : la ferveur spirituelle des croyants, et la sécurité sanitaire d’un rassemblement humain parmi les plus denses au monde.

Pour gérer cet afflux, plus de 15 000 agents de santé sont mobilisés, répartis sur plusieurs sites médicaux temporaires installés à Mina, Arafat et Muzdalifah. Ces infrastructures mobiles viennent compléter les hôpitaux permanents de La Mecque, désormais équipés pour accueillir des cas de chaleur extrême, d’insolation ou d’insuffisance respiratoire.

En 2023, les températures avaient dépassé les 48°C à La Mecque. En 2025, les prévisions météorologiques annoncent des pics jusqu’à 50°C, ce qui transforme la gestion climatique en priorité absolue. Pour répondre à ce défi, le royaume a lancé un plan massif d’adaptation environnementale : plantations d’arbres autour des zones de rassemblement, mise en place de brumisateurs dans les couloirs de marche, distribution de bouteilles d’eau réfrigérées, et déploiement de zones climatisées temporaires pour permettre aux fidèles de se reposer.

Parallèlement, les services religieux ont adapté les horaires des rituels pour éviter les heures les plus chaudes de la journée. Des messages multilingues sont diffusés en permanence pour inciter les pèlerins à se protéger, à boire régulièrement, et à se déplacer par étapes.

Le ministère saoudien du Hajj et de la Omra a investi massivement dans la technologie pour fluidifier les déplacements et renforcer la sécurité. Des drones équipés d’intelligence artificielle surveillent en temps réel les mouvements de foule, anticipent les engorgements et orientent les flux. Des bracelets connectés permettent d’identifier les fidèles, d’alerter en cas de problème médical ou de perte, et d’orienter automatiquement les secours.

Des applications mobiles permettent également aux pèlerins de localiser les zones de repos, les sanitaires, les points de soins et les trajets vers les étapes du rituel. Un système de géolocalisation intelligent est déployé pour assurer le suivi de chaque groupe de fidèles, réduisant ainsi les risques de bousculades comme celles qui avaient causé plusieurs centaines de morts en 2015.

Un encadrement réglementaire strict pour un rituel ordonné

Confrontées à une pression démographique croissante, les autorités ont mis en œuvre une campagne sans précédent : « Pas de Hajj sans permis ». Objectif : empêcher les pèlerins clandestins ou non enregistrés d’accéder aux lieux saints, afin d’éviter la saturation des infrastructures. Cette année, plus de 269 000 personnes ont été refoulées à l’entrée de La Mecque, et 1 239 transporteurs en infraction ont été interceptés.

Le permis est devenu la clé de voûte d’une organisation ordonnée du Hajj. Délivré par les autorités religieuses et sanitaires, il garantit que le pèlerin est en bonne santé, qu’il a réservé un logement, un transport, et qu’il respecte les normes de sécurité collective. Cette formalité, autrefois perçue comme bureaucratique, devient une exigence logistique vitale.

Les autorités ne se contentent pas de filtrer l’accès : elles sanctionnent durement les infractions. Tout pèlerin sans permis s’expose à une amende de 5 000 dollars et à une interdiction de séjour de 10 ans. Les agences de voyage qui proposent des services non homologués voient leurs licences suspendues. Cette année, plus de 400 entreprises de services du Hajj ont été fermées pour non-conformité.

L’objectif est clair : éviter le chaos logistique, empêcher les installations sauvages, et garantir que chaque pèlerin reçoive un traitement digne, sécurisé et conforme aux standards spirituels et sanitaires exigés par les autorités saoudiennes.

La modernisation du Hajj passe aussi par une numérisation intégrale de ses systèmes de sécurité. Des milliers de caméras dotées de reconnaissance faciale surveillent les principaux axes de circulation, les accès aux lieux saints et les campements. Ces dispositifs permettent d’identifier les foules, de repérer les comportements suspects ou les engorgements, et de déclencher des alertes en temps réel.

Par ailleurs, les autorités ont renforcé la cybersécurité des bases de données de pèlerins afin de prévenir tout vol d’identité ou tentative d’infiltration dans le système. Le Hajj devient ainsi un laboratoire à ciel ouvert de la gestion sécurisée des mégaprojets religieux mondiaux.

Une ferveur intacte malgré les contraintes modernes

Malgré les défis logistiques, climatiques et réglementaires, l’émotion est au rendez-vous. Pour des millions de fidèles, le Hajj reste un sommet spirituel dans une vie. Beaucoup ont économisé pendant des années pour accomplir ce rituel. Comme Belhajj Beafo, venu d’Algérie, qui confie : « C’est la première fois que je fais le Hajj. J’ai accompli tous les rituels. Que Dieu permette à tous les musulmans d’y parvenir un jour. »

Cette ferveur est aussi une force collective : les pèlerins marchent ensemble, prient ensemble, partagent les repas. La spiritualité reste au cœur du rituel, malgré l’environnement ultra-sécurisé qui encadre désormais chaque étape.

À l’heure où plusieurs régions du monde musulman sont frappées par la guerre, la pauvreté ou l’instabilité, le Hajj devient un lieu de communion mais aussi de solidarité. « Ma première prière sera pour les habitants de Gaza et du Soudan. Que Dieu arrête l’effusion de sang », confie Layla Saad, venue d’Égypte. De nombreuses prières sont tournées vers les civils syriens, yéménites, soudanais, ou palestiniens. La Kaaba devient le centre symbolique d’une fraternité musulmane face aux déchirements géopolitiques.

Pour les autorités saoudiennes, le bon déroulement du Hajj est autant un devoir spirituel qu’un enjeu politique. Le ministre du Hajj et de la Omra, Tawfig al-Rabiah, a rappelé que « seuls les pèlerins autorisés auront accès aux services essentiels et à l’hospitalité sacrée du royaume ». Cette discipline vise à renforcer le prestige spirituel de l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints, mais aussi à asseoir sa légitimité en tant que centre névralgique de l’islam mondial.

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