Je ne peux pas me retenir de revenir sur deux questions posées à Marie-Madeleine Mborantsuo par Christophe Boisbouvier. La présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon répondait aux questions de notre confrère de Radio France internationale.
Voici la première de ces deux questions :
Mme Marie Madeleine… mais le fait tout simplement, qu’un individu produise deux actes de naissance différents, est-ce que ça ne jette pas la suspicion sur ses origines ?
Et voici la seconde question :
Mais ce que se demandent beaucoup de Gabonais, c’est une question toute simple. Si Ali Bongo est vraiment né à Brazzaville en février 59 pourquoi n’a-t-il pas produit l’extrait du registre de l’état civil de la mairie de Brazzaville dès sa première candidature en juillet 2009 ?
Poser de telles questions c’est vraiment très surprenant de la part d’un grand journaliste comme Christophe Boibouvier. Poser des questions aussi provocantes que celles-là c’est tendre plus vers une volonté de jeter de l’huile sur le feu. Que d’essayer de trouver des réponses claires à des questions que le journaliste se pose beaucoup plus lui-même que ne se les pose l’opinion publique gabonaise.
Le sujet évoqué ne date pas d’aujourd’hui et il alimente des rumeurs très mal intentionnées depuis quelques temps.
L’express du 12/11/2015 dans un article signé Anne Vidalie titrait : « Le mystère de la filiation d’Ali Bongo enfin levé? »
Dans cet article, l’auteur déclarait je cite : « que la justice française va donner à Onaïda Bongo Ondimba le droit d’accès à l’acte de naissance de son frère Ali, le président du Gabon ce qui va fixer la jeune femme sur la réponse de la question de savoir si l’actuel président gabonais est l’enfant biologique de son père Omar Bongo ».
Le JDD « Journal Du Dimanche » titrait lui un article signé par Vivien Vergnaud – le 17 avril 2016 « Gabon : la polémique sur la filiation d’Ali Bongo relancée ? » dans lequel on pouvait lire :
« L’assignation du président du Gabon Ali Bongo en reconnaissance de paternité pourrait avoir une incidence sur l’élection présidentielle, qui doit se tenir entre août et octobre. Et que, si jamais cette assignation aboutissait, des tests génétiques seraient effectués avec des prélèvements génétiques qui seraient effectués sur Ali Bongo, mais pourraient l’être aussi sur des membres de sa famille. La confrontation de tous ces éléments pourraient peut-être démontrer que l’actuel président gabonais n’est pas le fils de son père, Omar Bongo ».
Et le journal Le Monde du 12 novembre 2015 intitulait un article écrit par Xavier Monnier « Gabon : l’état civil d’Ali Bongo va être dévoilé »
Dans cet article on pouvait lire :
« Le tribunal de grande instance de Nantes, dans une ordonnance de référé, a agréé la demande d’Onaïda Maisha Bongo Ondimba. La fille d’Omar Bongo pourra accéder à la copie de l’acte de naissance intégral, avec filiation, de son demi-frère « présumé », le président Ali Bongo, de son nom de naissance Albert Bernard Bongo, né le 9 février 1959 à Brazzaville».
En effet, Il existe à Libreville actuellement une vive controverse sur la filiation d’Ali Bongo. Les détracteurs du chef de l’État l’accusent d’avoir menti à propos de ses origines, ce qui pourrait l’empêcher de briguer un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle qui devrait se tenir entre août et octobre.
Mais ce qui est surprenant c’est que ce débat autour de la question de sa filiation fait couler plus d’encre en France, qu’au Gabon.
La question qu’on est en droit de se poser c’est celle de savoir le pourquoi ?
Pourquoi autant d’acharnement sur un détail peut être, important, mais qui ne devait être et rester qu’un détail sur un débat public gabonais où au-delà à la rigueur un débat africain tout court. Pourquoi alors faire de ce débat un débat français ?
Ce que je ne m’explique pas, c’est pourquoi ce débat a été lancé et de manière irresponsable et qui cache des « dessous de cartes » aussi bien sur le plan social que sur le plan politique ?
Je vais essayer de dire ce qui me semble être essentiel à savoir.
La naissance de Ali Bongo Ondimba est matérialisée administrativement par l’acte de naissance n° 47 du 10 février 1959, dont copie est classée aux archives du Service central d’état civil de Nantes. Cet acte de naissance atteste que Mr Ali Bongo l’actuel président du Gabon est bien le fils biologique d’Omar Bongo et de son ex-épouse Joséphine Kama.
Cette affirmation, concrétisée et prouvée par un acte administratif de l’époque coloniale est contestée. Elle est d’une part, contestée par d’Onaïda Maisha Bongo Ondimba, fille d’Omar Bongo et donc sœur d’Ali Bongo, et d’autre part, elle est contestée par des gabonais avec à leur tête Luc Bengone Nsi.
Si Onaïda Maisha Bongo Ondimba conteste la paternité d’Omar Bongo sur son frère Ali c’est bien pour une raison matérielle. La prise de position d’Onaida Maisha, reflète des couleurs d’intérêts financiers peut être non négligeables. En effet, Omar Bongo, décédé en juin 2009, a laissé derrière lui 53 héritiers et une fortune qui pourrait se chiffrer en centaines de millions, peut-être même en milliards d’euros. Il est donc évident que si Onaïda parvenait à prouver qu’Ali Bongo n’est pas le fils biologique de son père, son quota à elle qui lui reviendrait de la répartition serait encore plus important. Ça peut se comprendre.
Il y’a maintenant la contestation de la classe politique et de l’opinion publique gabonaise. Cette contestation reflète des raisons politiques qui sont des manœuvres de tendance à écarter du pouvoir Ali Bongo que certains considèrent comme un homme qui est arrivé au pouvoir contre leur volonté et par « la force » après le décès de son père.
Que le débat intervienne sur fond de succession, ou sur « fonds financiers » tout court, il est évident que cette question de filiation, avérée ou non, dépasse l’enjeu de l’héritage familial.
Si Ali Bongo prénommé sur un des actes Alain-Bernard, n’est pas le fils du père que lui attribuent les documents administratifs connus à ce jour, mais un enfant du Biafra adopté, comme beaucoup l’affirment ou le laissent entendre et justement maintenant, l’article 10 alinéa 4 de la Constitution gabonaise qui stipule que « Toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la Présidence de la République » empêchera Ali Bongo de se présenter aux prochaines élections.
Mais qui est-il donc Ali Bongo Ondimba ?
Officiellement Ali Bongo Ondimba est né à Brazzaville le 9 février 1959. Après des études Universitaires à Paris, il entre dans la vie politique et intègre le PDG (parti au pouvoir) en 1981. En 1983, il est élu au Comité Central du parti. L’année suivante, il entre au Bureau Politique du Parti en qualité de Représentant Personnel de son père. Il y sera élu en septembre 1986 à l’issu d’un congrès ordinaire du Parti.
En 1989, il est nommé ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération. Il se présente comme candidat du PDG lors des élections parlementaires de 1990, premières organisées après la mise en place du multipartisme au Gabon. Il est élu à cette occasion député de l’Assemblée Nationale dans la Province du Haut-Ogooué.
De 1989 à 1991, il occupe le poste Ministre des Affaires Etrangères fonction qu’il quitte après deux ans d’exercice, obligé, en vertu de l’amendement de la Constitution qui définit un âge de 35 ans minimum pour exercer une fonction ministérielle.
En 1996, le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques du Gabon (CSAIG) le nomme à sa tête. En décembre 1996, il est reconduit comme candidat du PDG à la députation pour la province du Haut-Ogooué et il est réélu.
Il est nommé Ministre de la Défense Nationale en juin 1999.
En 2001, il est réélu une nouvelle fois député de la Province du Haut-Ogooué ce qui lui ouvre la voie à la Vice-présidence du PDG. En 2005, il est élu comme représentant du Parti pour le Haut-Ogooué, mais conserve son portefeuille ministériel à la Défense Nationale. Le 9ème Congrès Extraordinaire du Parti tenu en 2008, le reconduit à la Vice-présidence du PDG ce qui lui donne l’opportunité de se présenter aux élections présidentielles de 2009, élections qui l’ont porté au pouvoir qu’il détient aujourd’hui.
La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir pourquoi la question de sa filiation n’a pas été posée à son père biologique ou supposé père de son vivant entre 1959 date de la naissance de Ali et juin 2009 date de sa mort. Et pourquoi, la classe politique, bruyante aujourd’hui était restée silencieuse tout ce temps et ne s’est jamais opposée à sa candidature comme représentant du Parti pour le Haut-Ogooué. Et pourquoi la classe politique, aussi bien celle qui est affiliée au pouvoir que celle qui est affiliée à l’opposition a-t-elle cautionné sa nomination au sein du Bureau Politique du Parti comme représentant personnel de son père.
Et pourquoi, enfin, cette classe politique, ses frères et sœurs, si ils savaient déjà que Ali Bongo, n’était pas gabonais mais un enfant du Nigéria orphelin de la guerre du Biafra n’ont-t-ils pas soulevé le problème pendant que le fer était chaud ?
J’ai donc comme l’impression que ce « vrai » « faux » débat ne tourne pas autour de l’essentiel. S’il faut chercher une explication à ce « vacarme » qui ne fait un « grand bruit » qu’aux oreilles de ceux qui ont un intérêt inavoué à créer un climat de mésentente entre gabonais, il faut peut-être la chercher plus loin. Il faut par exemple se rappeler la phrase laissée « tombée » par Manuel Valls invité de l’émission de télévision « On n’est pas couché » sur France2 le samedi 16 janvier 2016 quand il disait que le chef de l’État gabonais Ali Bongo n’avait pas été « élu » démocratiquement ou en tout cas … « Pas comme ‘on’ l’entend ».
Cette affirmation de la part du locataire de Matignon laisse des sous-entendus qu’on voulait faire « entendre » et de la manière la plus inattendue. Un Chef de Gouvernement ne se trompe pas de mots. Et si ce « on » prononcé par le Premier Ministre Français voulait dire le « gouvernement » dont il est le premier Ministre. Ceci pourrait expliquer cela.
La France a toujours été un pays qui souffle le chaud et le froid mais qui ne souffle ce chaud et ce froid que dans la direction de ses intérêts. Omar Bongo, le père d’Ali Bongo était l’un des chefs d’Etats africains qui entretenait des relations politiques « mystiques » avec les régimes français que se sont succédés. Entendre par « mystiques » des dessous de table… politiques ou financiers. Des relations qui étaient soudées sous fonds d’intérêts politiques et ou sous « fonds » de valises « diplomatiques » en coupures.
Ali Bongo, à qui on veut aujourd’hui arracher sa filiation à la famille Ondimba, n’est pas Omar Bongo. Le père et le fils appartiennent à des générations différentes par la nature de leurs relations, et différentes par leurs approches politiques. Le père est né, allaité et élevé par la France aux couleurs du colonialisme et de l’impérialisme politique. Le fils lui est né, allaité et élevé dans un environnement politique qui ne colle pas avec les méthodes « de dictature » de la France-Afrique.
Un pays comme le Gabon, pays riche et même très riche suscite toujours des convoitises. La France qui chante qu’elle veut entretenir des relations équitables et « d’égale à égale » avec les pays africains, peut-être ne veut pas d’un Gabon dirigé par Ali Bongo encore plus longtemps. Et comme la France ne peut plus ou veut plus s’ingérer directement et ouvertement dans les politiques des états africains, elle essaie de passer par un chemin politiquement tumultueux pour déstabiliser le régime actuel du Gabon.
Cette hypothèse est d’autant plus plausible, que nous savions tous déjà, que quand Jean Bedel Bokassa avait poussé à l’extrême son pouvoir personnel et avait noué des relations avec des pays peu recommandables à l’époque ce qui inquiétait la France et certains de ses alliés, Paris qui l’avait aidé même à satisfaire un caprice, celui du sacre impérial en décembre 1977, l’avait lâché quand les politiciens français se sont appropriés comme « petits cadeaux » les plus beaux et les plus gros diamants de la Centrafrique. C’est l’armée française on s’en souvient qui l’avait déposé lors des opérations Caban et Barracuda prétextant qu’il avait massacré des écoliers. Et c’est aussi, la France de cette époque-là qui avait remis au pouvoir David Dacko, le président qu’elle n’avait pas protégé lors du coup d’Etat de la Saint-Sylvestre mené par Bokassa justement.
C’est cette même armée française qui était intervenue au Gabon en février 1964 pour rétablir Léon M’BA. Et c’est toujours cette même armée française qui, au Niger, s’était impliquée dans la lutte contre le mouvement Sawaba pour maintenir au pouvoir Hamani Diori.
Aujourd’hui, comme le rôle de l’armée française ne se limite plus qu’à assister des pays en difficultés comme le Mali, le Niger, la Centrafrique, le Tchad sous prétexte que la France lutte aux côtés des pays amis pour éradiquer le terrorisme, elle règle d’une pierre deux coups. D’une part, ses soldats qui se mordent le doigt désœuvrés se retrouvent sur des terrains pour manifester la présence de cette France dont, les soldats pour le moment ne s’illustrent que dans le viol de mineurs. D’autre part, elle obtient pour déployer ses troupes de l’argent de pays qui ne veulent pas envoyer à la mort leurs soldats mais qui veulent bien contribuer financièrement. Elle a donc rangé dans ses tiroirs les plans de déstabilisation ce qui fait échapper au Gabon aux coups «d’états fourrés » de la France.
Pour essayer quand même, alors, la France recycle ses méthodes archaïques qui consistent à préparer des « implosions politiques » de l’intérieur du pays (versions à l’américaine). C’est pourquoi, je ne suis pas loin de le penser, ce sont les services secrets français qui sont derrière ce vacarme autour de la filiation de Ali Bongo, vacarme amplifié par les voix de Luc Bengone Nsi pour l’aspect politique de la chose et par la voix de Onaïda Maisha Bongo Ondimba pour son aspect matériel et financier.
Sinon pourquoi, croyez-vous que toutes les presses françaises relaient-elles une information de si peu d’importance, pour créer un débat qui ne tourne pas autour de l’essentiel. Et pourquoi les questions de Christophe Boisbouvier qui ne cachent pas leur intention et qui n’ont pour bût, -on dirait- que de jeter de l’huile sur le feu ?
Par M. C.