Monsieur Abba Mbaye s’est entretenu avec la rédaction d’Africtelegraph. Dans cet entretien accordé, il se plaint du retard de l’Afrique. Il est d’avis que l’Afrique surmontera ses démons et sera le grand continent du monde. Monsieur Mbaye s’est aussi prononcé sur certaines actualités sénégalaises.
Africtelegraph : L’Afrique est le berceau de l’humanité, a-t-on l’habitude de dire ?
Abba Mbaye : L’Afrique est le berceau de l’humanité. Mais moi, je fais partie des hommes qui ne regardent pas le passé. Je préfère dire que l’Afrique est l’avenir de l’humanité ; d’abord de par les importantes réserves minières et financières, aussi de par notre démographie qui fait que le continent africain est cité en référence ; c’est le seul continent qui a une démographie en totale évolution. Nous devons tout faire pour nous battre, faire en sorte que les africains soient au service de l’Afrique.
Africtelegraph : Vous venez de dire que l’Afrique est l’avenir du continent. Pourquoi l’Afrique tarde à émerger ?
Monsieur Mbaye : L’Afrique tarde à émerger parce que nous avons une mission tragique. N’oublions pas que l’Afrique a traversé l’esclavage, la colonisation, les guerres qui s’en ont suivies, les peuples divisés ; autant de choses. Moi, je ne fais partie à ceux qui mettent la pression sur l’Afrique, en faisant croire que nous n’avançons jamais. Plus on avance, plus on fait des pas. Vous avez vu la vitesse selon laquelle certains pays d’Afrique changent même si nous avons des cas particuliers. J’y crois. Je pense que l’Afrique surmontera ses démons et sera le grand continent de ce monde.
Africtelegraph : Les Africains sont très intelligents ; les ressources sont nombreuses. Pourquoi les fils africains fuient le continent africain ?
Monsieur Mbaye : Parce que tout simplement, c’est difficile dans certains pays ou dans certaines zones. Beaucoup de pays ne sont pas développés. Je partage l’avis de Serge Migalof qui dit : « l’Afrique au sud du sahara est un boom ». Voyez ses millions de jeunes qui arrivent et qui n’ont pas de perspective ; ils ne peuvent pas rester les bras croisés dans un continent qui ne leur offre pas les meilleures conditions. C’est un combat que nous devons mener pour le développement économique, politique, sociale et de nos pays.
Africtelegraph : La faute incombe-t-elle aux dirigeants africains ?
Monsieur Mbaye : La faute incombe à l’histoire, au parcours de nos pays. Prenez le cas d’un pays comme le Rwanda qui est agité en modèle partout dans le continent. C’est le pays le plus propre ; parce que c’est un pays moderne. Un pays qui s’est transformé et qui est passé par des démons hyper difficiles. Il a fallu qu’il passe par le génocide pour en arriver là. Plus on avance, plus on aura des institutions fortes. Le plus important, c’est de ne pas désespérer du continent.
Africtelegraph : Selon vous, le Rwanda est un exemple ?
Monsieur Mbaye : Le Rwanda est un exemple de la capacité que les dirigeants de ce pays ont eu à surmonter les épreuves que ce pays a traversées et a données un cap au peuple, voir le standards que nous devons atteindre. Aujourd’hui, dans de nombreux domaines, le Rwanda est largement en avance. Je pense que c’est un modèle qui a fédéré et qui a donné un cap au peuple.
Africtelegraph : Est-ce que la démocratie existe dans ce pays ?
Monsieur Mbaye : C’est hyper relatif. Sarkozy qui parlait de cette techno au pouvoir entre les pouvoirs, parlait de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique. IL soutenait que l’occident qui a toujours été le miroir est en train de perdre sa place dans le cursus des références. Parce que, la démographie fait que l’on veuille oui ou non que, l’occident sera relégué demain ; d’autres civilisations vont s’imposer et notamment l’Afrique.
Il a évoqué d’autres choses importantes. Il dit que si, l’occident est en avance, c’est à cause de l’Afrique. L’occident est paralysé parce que les européens ont une crise de leadership. Ce qui n’est pas le cas en Asie ou en Afrique. Il disait quand un dirigeant chinois ou asiatique a envie de prendre une décision, il l’exécute rapidement.
Alors que vous prenez l’exemple de l’aéroport de Nantes ou autant de projets qui montrent que dans les pays européens, les gens ont un problème de leadership pour mettre en œuvre la volonté des populations. Nous Africains, nous devons inventer un leadership qui nous est propre, mais avec référence la démocratie, la participation des populations sans pour autant altérer la capacité du dirigeant à trancher, à avancer.
Africtelegraph : L’Occident relégué, est-ce que les Africains savent ?
Monsieur Mbaye : Je pense qu’ils savent ; les africains s’approprient en mode avance. Je me suis rendu au lycée Lamine Guèye. J’ai regardé les élèves avec leur téléphone portable, avec Whatshap, facebook…. Quand j’avais leur âge, je n’avais pas tout cela. Aujourd’hui, les enfants peuvent faire les recherches partout dans le monde.
Ils ont des bibliothèques numériques, ils ont beaucoup plus de chance que nous n’avons pas. Laissons le temps faire son œuvre. Je pense que le taux d’alphabétisation est largement supérieur à ce qu’on avait entre 1970 et 1980 ; laissons le temps à nos pays avancer à leur rythme. Il y’aura des situations difficiles ; mais il arrivera à un moment où ce continent parviendra à se développer.
Africtelegraph : Comment faire pour développer l’Afrique, de manière générale ?
Monsieur Mbaye : D’abord que les enfants de l’Afrique aient foi en ce continent. Que ce contient ait un générique qui lui est propre et qu’il se développe. Il nous faut aussi arrêter de copier les schémas de l’occident. Nous pouvons inventer un modèle de développement, notre modèle de démocratie ; que l’occident ne nous impose plus. C’est à nous d’être ce que nous voulons être. Nous devrons être les Africains de l’Afrique. C’est cela qui changera le continent.
Evoquons maintenant le cas khalifa Sall ex-maire de Dakar, en détention depuis 2017 ; avez-vous de ses nouvelles ?
Monsieur Mbaye : Je pars lui rendre visite souvent. Il se porte très bien, en forme souriant et très serein. Parce que c’est un homme de foi. Khalifa Sall a toujours l’ambition d’être un candidat à l’élection présidentielle. Il s’est battu jusqu’au bout. Dieu avait tracé son destin.
Africtelegraph : Selon certaines indiscrétions, des discussions sont entamées pour sa libération. Vrai ou faux ?
Monsieur Mbaye : Les discussions n’ont jamais cessé. L’objectif de Macky Sall était tout simplement que khalifa ne soit pas candidat. Même, à la veille de l’élection, après l’avoir éliminé notre candidat, les discussions ont continué. Ceux qui ont mis khalifa en prison savent très bien que les faits avancés sont faux ; ils savent que c’est un mensonge d’Etat. Khalifa n’a pas fait ce qui lui est reproché. Il est là-bas parce qu’il a une ambition politique. Maintenant, il a prouvé que c’est un homme de conviction qu’il n’est pas négociable.
Africtelegraph : D’autres sources renseignent que le pouvoir est disposé à libérer khalifa, mais ce dernier refuse. Pourquoi ?
Monsieur Mbaye : Nous n’avons jamais quitté le statine bloc. Nous avons fait un choix. Nous considérons que le parti socialiste devrait avoir un candidat. Regarde la crise qui sévit dans le parti socialiste ; ce parti ne se relèvera qu’avec khalifa Sall. Il suffit que khalifa sorte de la prison pour que nous reprenions notre marche.
Africtelegraph : Quelles sont les conditions fixées pour sa libération ?
Monsieur Mbaye : Pas de conditions. Il y’a deux choses : la grâce ou l’amnistie pour lui permettre de recouvrer la plénitude de ses droits civique et politique. C’est un combat ! Nous sommes certains que khalifa sera candidat en 2024 ; le reste est un combat politique. Nous allons nous battre.
Africtelegraph : Ne craignez-vous pas de revivre la même situation comme ce fut le cas avec karim Wade ?
Monsieur Mbaye : Nous, nous ne pouvons pas vivre le même cas que karim Wade. Ce qui était cherché, que khalifa négocie, laisse Macky Sall vaquer à ses occupations tranquillement. Khalifa refuse de négocier.
Africtelegraph : Pour la présidentielle de 2024, khalifa Sall sera-t-il candidat ?
Monsieur Mbaye : Si Dieu lui prête longue vie et lui donne la santé pour le faire ; il le sera inch allah. Nous allons le soutenir.
Africtelegraph : L’Assemblée nationale s’est réunie en séance plénière pour adopter une loi portant suppression du Poste de Premier Ministre. Quelle lecture en faites-vous ?
Monsieur Mbaye : Depuis 2012, nous avons élu un bricoleur politique. Trois ans derrière, les Sénégalais ont voté le référendum, Macky Sall avait promis une stabilité institutionnelle. Depuis lors, c’’est la troisième fois qu’il touche à nos institutions. Il est en train de s’organiser pour ne pas avoir de pression, éventuellement une cohabitation en 2022 ; il analyse les choses.
Il ne fait que de la politique en permanence. Il avait manipulé l’opinion sur la question du parrainage, en parlant du coût des élections autant il manipule le peuple en parlant de fast track. C’est un Président qui fait de la politicienne. Il enlève ce poste pour se surcharger. Il veut aller plus vite et il se surcharge. Cela n’a aucun sens.
Africtelegraph : Est-ce que cela peut avoir un impact dans la marche du pays ?
Monsieur Mbaye : Aucun. Je suis formel là-dessus. Macky Sall n’a pas voulu toucher de nombreuses réformes ; il avait promis de réformer l’administration. On s’est retrouvé avec des agents qui sont payés à la fonction publique sans que l’on puisse savoir ; aucune volonté de recentrer l’administration.
Africtelegraph : Au regard de la situation, on constate que les politiques ont démissionné.
Monsieur Mbaye : Ils n’ont pas démissionné. Personne ne peut reprocher à nos politiques de n’avoir pas alerté sur la motivation du pays. Nous avons la réalité des chiffres, lors des dernières élections, nous avons que Macky Sall au maximum avait 45%.
Africtelegraph : Le dialogue politique est lancé par le chef de l’Etat Macky Sall. Mais une partie de l’opposition refuse de s’y rendre, comme votre camp. Pourquoi ?
Monsieur Mbaye : II n’y a pas nécessité de dialoguer pour quelqu’un qui a mis khalifa sall en prison. La condition que nous mettons sur la table ; c’est la libération de khalifa Sall. Nous comprenons aisément la stratégie de Macky Sall. Depuis le consensuel de 1992, toutes les mesures qui ont eu une incidence sur le code électoral avaient fait l’objet de discussions. Ce qui n’est pas le cas avec Macky Sall. Il est important que l’opposition puisse avoir des garanties sur le fichier électoral. Nous refuserons le coup politique de Macky Sall.
Africtelegraph : Si chacun campe sur sa position, sera-t-il possible d’avancer ?
Monsieur Mbaye : Ce n’est pas une question d’avancer ou pas ; la volonté d’avancer est dans le camp de Macky Sall. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il a tout cassé. Il a un second mandat, nous lui suggérons de remettre notre démocratie sur les rails ; il n’aura jamais un troisième mandat. Qu’il arrête ses coups politiques.
Africtelegraph : Report des élections locales, vous êtes de cet avis ?
Monsieur Mbaye : Je suis pour le respect du calendrier républicain. Si l’Etat estime que les conditions ne sont pas réunies, se donner quelques mois ne se pose pas. Cela donnerait plus de vigueur et permettre aux sénégalais de se déconnecter de la présidentielle.
Africtelegraph : Seriez-vous candidat ?
Monsieur Mbaye ; Je n’ai pas encore de décision. Je travaille avec une équipe pour mettre ma ville en avant parce qu’elle traverse une situation difficile avec l’avancée de la mer, une étroitesse urbain de la ville sans compter la pauvreté qui devient emblématique à Saint-Louis. Chaque responsable politique doit réfléchir avant de prendre une décision. Il ne s’agit pas de remporter les élections locales, la question aujourd’hui en est que Saint-Louis constitue un danger. Il faut se mettre debout.
Recueillis par la Rédaction de Dakar