À Kpalimé, il faisait beau et frais. Les touristes affluaient. Même en temps de pluie, les gens étaient contents de visiter la cascade de Yikpa, de Gbalédzé, le mont Agou, etc. Au grand marché de la ville, tout était fleuri.
Il y avait même des gens qui riaient et se prenaient dans les bras. Les fruits et légumes se présentaient en abondance sur les étals. Dans les allées, on pouvait apercevoir les femmes frire des bananes plantains… c’était circulant. Il y avait dans certains coins de bonnes odeurs qui s’échappaient des restaurants, la vie était présente. Il y avait un certain bien-être qui se distillait comme ça… c’était l’extase !
À Badou, lorsque les gens arrivaient, ils étaient parfois accueillis par des danses traditionnelles, les invités semblaient heureux d’être à cet endroit-là, d’être proches de cet univers luxuriant, de la chute d’eau d’Aklowa, des somptueuses termitières, des cacaoyers, des papayers, des corossoliers…
Dans la deuxième ville du pays, à Kara, la vie n’était pas si différente que ça, chacun cherchait à gagner son petit sou comme il pouvait. Les gens allaient en safari à la réserve de Sarakawa, ils visitaient aussi les Tata Somba en pays des Batammaribas, etc.
Dans l’ensemble du pays, des associations s’activent, s’activaient, il y avait de jeunes Européens, Américains, Asiatiques et Océaniens qui débarquaient pour des missions humanitaires. Le bénévolat prenait tout son sens. Il y avait des échanges de connaissances. Les gens combattaient la pauvreté de la manière la plus digne possible, les ONG venaient en aide aux habitants de coins reculés où seul le tourisme est la source de revenus…
Soudainement, les gens sont allés rouvrir les vieilles plaies. Les politiques ont parlé de cérémonies de purification. Ils ont décidé d’exorciser ce qui s’est passé entre 1958 et 2005. À la place de la justice qui doit lire le droit et être l’arbitre d’une société démocratique, les politiques ont décidé que les croyances devraient régner. Il y a eu des cérémonies pour des catholiques, protestants, musulmans, vodoo, et même pour les buveurs de bière dans les boîtes de nuit, etc.
Le monde semblait beau, comme s’il n’y avait jamais eu de coupables, comme si les morts n’étaient pas morts. Mais tout le monde croit-il en la même chose ? Les victimes n’étaient pas des êtres humains ? Ce sont toujours des rêves collectifs et individuels brisés à tout jamais ! Des épouses, des époux, des parents, des frères, des sœurs, des cousins, des cousines, des enfants de…, des filles de…, les garçons de…, la mère de…, le père de…, lorsqu’un ami se fait tuer, ça ne s’oublie pas. Le reste du monde peut oublier les victimes, mais les familles n’oublieront jamais…
Quelques jours plus tard, les gens ont commencé à gueuler. Ça débutait doucement, après il y a eu des récupérations de l’opposition. La nuance n’était plus admise. On obligeait presque les gens à aller manifester. « Soit tu es avec eux, soit ils considèrent que tu es contre eux et ils te tabassent », m’a dit un étudiant togolais. Il y a eu des débordements pendant les manifestations. Il y a eu des morts. Oui, des morts. Encore des morts. Des êtres humains abattus dans l’indifférence totale. Des rêveries brisées pour toujours. Des familles en deuil, etc. Un jeune homme togolais a dit, d’un ton furieux : « Faure Gnassingbé est tchadien ! » Un homme d’un certain âge a rétorqué en disant : « ce n’est pas vrai, et même si c’était vrai où est le problème ? ». D’un petit air exaspéré, le jeune homme a continué en disant : « je te dis qu’il est tchadien… ». Il s’est ensuivi une discussion houleuse et abrutissante sur les origines de je-ne-sais-qui-encore, etc.
En ce moment, le Togo est considéré par certaines ambassades comme un endroit où il ne faut pas se rendre. Bon nombre de touristes et de bénévoles ont annulé leur séjour… Il est désormais écrit sur le site officiel du Canada : « Il convient toutefois de faire preuve d’une grande prudence en raison de la recrudescence des crimes violents, des troubles civils et des manifestations politiques ».
Tout ça pour dire que les politiques ont tué le tourisme. Et pourtant, le Togo se réveillait !
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